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Depuis vingt jours, le plus grand trimaran du monde a débuté sa quête du Trophée Jules Verne 2011-2012 (tour du monde en équipage sans escale). Grâce à son skipper Loïck Peyron et son « carnet de bord », nous partageons, depuis le début, l’aventure de ces quatorze hommes à bord de Banque Populaire V. Conscient du caractère insaisissable de ce genre de projet pour le commun des mortels, Loïck Peyron aborde la question comme pour éclairer, bousculer nos incompréhensions. Il écrit : « Pourquoi ces marins tournent-ils autour du globe sur un engin démentiel et à des vitesses ahurissantes ? Quel est l'intérêt de la démarche ? J'imagine que l'on peut toujours se demander : à quoi ça sert ?
Conquérants d'un inutile quasiment indispensable, les marins du large sont peut-être les derniers aventuriers. Conscients ou non des valeurs qu'ils représentent, ils demeurent, aux yeux des terriens, de drôles de créatures se nourrissant exclusivement d'alcool et de tabac, tirant sur des ficelles, la tête dans les nuages et les bottes aux pieds s'en allant comme ça, un jour, juste pour faire un tour… Certes, c'est un peu exagéré, mais l'essentiel est là car ce marin est, avant tout, un assoiffé de liberté, rappelant à son frère, cloué à terre, que le bleu est la couleur qui sied le mieux aux hommes libres ».(lemonde.fr, 1[SUP]er[/SUP] Décembre 2011)
Si ces problématiques vous intéressent, plongez-vous dans la lecture de l’ouvrage« Les aventuriers de l’extrême » de Christine Le Scanff. Au fil des pages, la compréhension du « pourquoi ? » se dessine et notre vision vis-à-vis de ces « pratiquants de l’insensé » s’éclaircit. Un aspect paraît essentiel, si leur engagement symbolise chez nous une pure folie, il n’est en aucun cas perçu de la sorte par ces hommes et ces femmes. S’il faut reconnaître que parmi eux certains s’engagent dans l’extrême par goût du risque et des sensations fortes pour se « garder vivants », d’autres voient leur pratique tout autrement et mettent en avant leur volonté première d’éviter le danger. La navigatrice Isabelle Autissier fait partie de ceux là : elle ne recherche pas le risque. Cependant, si elle se retrouve dans une tempête qu’elle n’a pu éviter, elle fait face, car elle n’a tout simplement pas le choix.
Ne nous y trompons donc pas, les « aventuriers de l’extrême » cherchent, à travers leurs expériences, à donner du sens à leur vie, à devenir eux-mêmes et à participer au monde. Par cette quête, ils se rapprochent de ce qui, en eux, est le plus authentique. La relation qu’ils entretiennent avec la nature les y aide. En effet, ils ont appris à suivre les lois qui la régissent, ils ne tentent pas d’exercer sur elle leur pouvoir de domination. Ils désirent en comprendre les lois pour y participer, ils vivent en harmonie avec elle.
Au cours de ce voyage, il ne s’agit pas de s’imposer une souffrance physique volontaire ou de jouer au suicidaire mais d’accepter « la règle du jeu » de l’activité où se mêlent solitude, souffrance physique et mentale, risque de mort, afin d’atteindre les objectifs fixés. C’est ici que se cache un des sens majeur de la pratique de l’extrême : la volonté de tester ses résistances, le désir de repousser ses limites, celles que notre société aseptisée nous empêche de rencontrer, l’envie de connaître ses ressources, celles qui resteraient, sans ce genre d’expériences, inexploitées. Par ce cheminement, ces femmes et ces hommes confirment la réalité de leur propre existence, éprouvent pleinement leur corps, renforcent leur sentiment d’identité. Ils élargissent le « champ des possibles ».
Conscients de cette réalité, que Loïck Peyron se rassure, il paraît difficile de se demander : « à quoi ça sert ? » Peut-être conviendrait-il davantage d’envier leur façon « d’être au monde »?
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Depuis vingt jours, le plus grand trimaran du monde a débuté sa quête du Trophée Jules Verne 2011-2012 (tour du monde en équipage sans escale). Grâce à son skipper Loïck Peyron et son « carnet de bord », nous partageons, depuis le début, l’aventure de ces quatorze hommes à bord de Banque Populaire V. Conscient du caractère insaisissable de ce genre de projet pour le commun des mortels, Loïck Peyron aborde la question comme pour éclairer, bousculer nos incompréhensions. Il écrit : « Pourquoi ces marins tournent-ils autour du globe sur un engin démentiel et à des vitesses ahurissantes ? Quel est l'intérêt de la démarche ? J'imagine que l'on peut toujours se demander : à quoi ça sert ?
Conquérants d'un inutile quasiment indispensable, les marins du large sont peut-être les derniers aventuriers. Conscients ou non des valeurs qu'ils représentent, ils demeurent, aux yeux des terriens, de drôles de créatures se nourrissant exclusivement d'alcool et de tabac, tirant sur des ficelles, la tête dans les nuages et les bottes aux pieds s'en allant comme ça, un jour, juste pour faire un tour… Certes, c'est un peu exagéré, mais l'essentiel est là car ce marin est, avant tout, un assoiffé de liberté, rappelant à son frère, cloué à terre, que le bleu est la couleur qui sied le mieux aux hommes libres ».(lemonde.fr, 1[SUP]er[/SUP] Décembre 2011)
Si ces problématiques vous intéressent, plongez-vous dans la lecture de l’ouvrage« Les aventuriers de l’extrême » de Christine Le Scanff. Au fil des pages, la compréhension du « pourquoi ? » se dessine et notre vision vis-à-vis de ces « pratiquants de l’insensé » s’éclaircit. Un aspect paraît essentiel, si leur engagement symbolise chez nous une pure folie, il n’est en aucun cas perçu de la sorte par ces hommes et ces femmes. S’il faut reconnaître que parmi eux certains s’engagent dans l’extrême par goût du risque et des sensations fortes pour se « garder vivants », d’autres voient leur pratique tout autrement et mettent en avant leur volonté première d’éviter le danger. La navigatrice Isabelle Autissier fait partie de ceux là : elle ne recherche pas le risque. Cependant, si elle se retrouve dans une tempête qu’elle n’a pu éviter, elle fait face, car elle n’a tout simplement pas le choix.
Ne nous y trompons donc pas, les « aventuriers de l’extrême » cherchent, à travers leurs expériences, à donner du sens à leur vie, à devenir eux-mêmes et à participer au monde. Par cette quête, ils se rapprochent de ce qui, en eux, est le plus authentique. La relation qu’ils entretiennent avec la nature les y aide. En effet, ils ont appris à suivre les lois qui la régissent, ils ne tentent pas d’exercer sur elle leur pouvoir de domination. Ils désirent en comprendre les lois pour y participer, ils vivent en harmonie avec elle.
Au cours de ce voyage, il ne s’agit pas de s’imposer une souffrance physique volontaire ou de jouer au suicidaire mais d’accepter « la règle du jeu » de l’activité où se mêlent solitude, souffrance physique et mentale, risque de mort, afin d’atteindre les objectifs fixés. C’est ici que se cache un des sens majeur de la pratique de l’extrême : la volonté de tester ses résistances, le désir de repousser ses limites, celles que notre société aseptisée nous empêche de rencontrer, l’envie de connaître ses ressources, celles qui resteraient, sans ce genre d’expériences, inexploitées. Par ce cheminement, ces femmes et ces hommes confirment la réalité de leur propre existence, éprouvent pleinement leur corps, renforcent leur sentiment d’identité. Ils élargissent le « champ des possibles ».
Conscients de cette réalité, que Loïck Peyron se rassure, il paraît difficile de se demander : « à quoi ça sert ? » Peut-être conviendrait-il davantage d’envier leur façon « d’être au monde »?