Fin de visionnage de ma collection de films de
Yasujirō Ozu
Vous trouverez les films ( de très bonnes qualités) sans trop de difficulté en VO avec les sous-titres en anglais parfois en français et en cherchant bien il existe aussi des sous-titres en chinois.
Choisissez quelques films (ou tous comme moi )1936 à 1962.
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Analyse selon Gilles Deleuze
Selon lui, l’œuvre de Yasujirō Ozu dans son ensemble « réussis à rendre visibles et sonores le temps et la pensée ». Ainsi, à la question de savoir si le réalisateur japonais est un cinéaste néoréaliste, Deleuze répond que les néoréalistes ne l’ont pas imité, en créant le mouvement, mais l’ont plutôt rejoint.
On peut donc rattacher Ozu au néoréalisme, à la condition de se détacher du cadre historique du néoréalisme italien, et de l’entendre comme « s’attachant à rendre des situations optiques et sonores pures » (les opsignes et les sonsignes). Deleuze analyse ces opsignes comme permettant de rendre sensibles le temps et la pensée, de les rendre visibles et sonores. Si les films d’Ozu empruntent souvent une « forme-ballade » (dans
Voyage à Tokyo par exemple, l’aller et retour des grands-parents de province à Tokyo), ils ont pour objet la banalité quotidienne, appréhendée dans la vie de famille japonaise. Dans cette banalité du quotidien, les situations optiques pures viennent remplacer « l’image -action » et découvrent des liaisons d’un nouveau type, qui ne sont plus sensori-motrices, mais qui mettent les sens dans un rapport direct avec le temps et la pensée.
Selon Deleuze,
trois éléments sont importants chez Ozu : la caméra, l’esthétique du vide, et l’esthétique de la nature morte.
Concernant
la caméra, elle est toujours basse et le plus souvent fixe, ou effectuant des « blocs de mouvement » lent et bas. Le montage est composé d’un simple cut, ce qui fait partie du style moderne sobre : « le montage-cut […] est un passage ou une ponctuation purement optiques entre images, opérant directement, sacrifiant tous les effets synthétiques. »
Le « vide » et la « nature morte » sont deux variantes des opsignes d’Ozu. Il y a des ressemblances entre les deux, mais la distinction reste celle du vide et du plein. L’esthétique du vide est liée selon Deleuze à la tradition japonaise zen bouddhiste, mais cette analyse est contestée par d’autres théoriciens, qui y voient un mythe inventé par la critique des années 1960. Chez Ozu, « un espace vide vaut avant tout par l’absence d’un contenu possible » : sans personnages et sans mouvements, ce sont des intérieurs vidés de leurs occupants, des extérieurs déserts ou paysages de la nature.
Vidés de contenu dramatique, ils atteignent l’absolu, comme des contemplations pures, et prennent chez Ozu une certaine autonomie. « Si les espaces vides constituent des situations purement optiques (et sonores), les natures mortes en sont l’envers, le corrélat. » Elles se définissent par la présence et la composition d’objets qui s’enveloppent en eux-mêmes ou deviennent leur propre contenant. La nature morte est une image-temps directe, c’est l’image pure et directe du temps : elle donne à voir un changement, mais la forme de ce qui change, elle, ne change pas, ne passe pas. « La nature morte est le temps, car tout ce qui change est dans le temps, mais le temps ne change pas lui-même. » Ainsi, si le cinéma s’approche ici au plus près de la photographie, c’est également qu’il s’en éloigne radicalement : les natures mortes d’Ozu ont une durée, qui représente ce qui demeure, à travers la succession des états changeants.
De plus, l’esthétique d’Ozu a ce trait particulier de mettre en scène le charme triste des choses. C’est un élément important de la culture japonaise en général, et du cinéma d’Ozu en particulier : tout est assez triste, mais est ordinaire et banal, même la mort qui fait l’objet d’un oubli naturel. Les scènes de larmes soudaines sont d’ailleurs intégrées à cet ordinaire : elles ne marquent pas un temps fort ou une action décisive qui s’opposerait aux temps faibles de la vie courante. Il y aurait ainsi une harmonie, une continuité de l’univers, que les hommes viendraient troubler.