Un article de slate.fr :
Si la Chine compte un milliard et demi d’entraîneurs, on comprend mieux le désarroi du football chinois. Une seule qualification en phase finale de Coupe du Monde en 2002, mais aucun match gagné.
Même chose aux jeux Olympiques où l’équipe nationale n’a jamais remporté une seule médaille, ni même apporté une seule victoire à ce pays pourtant si fier de ses succès sportifs. En novembre dernier, les Rouges de la «Grande Muraille» ont même été battus 1 but à zéro par l’Irak et
ne participeront donc pas à la Coupe du Monde 2014.
Le football chinois est malade. Mais peut-être plus pour longtemps.
Le club de Shenhua vient en effet de s’offrir pour plus de 800.000 euros par mois l’attaquant français Nicolas Anelka. Exit le championnat britannique pour l’international tricolore et direction la modeste Super league chinoise. Anelka devient du coup le joueur le plus cher de Chine avec un salaire dix fois supérieur au
meilleur joueur chinois, Zheng Zhi, qui évolue lui à Hengda.
Et comme en Chine c’est toujours le gouvernement qui décide de tout, et même des questions footballistiques, on retrouve bien sûr la patte du Parti communiste dans ce virage politico sportif. Ce serait ainsi
Xi Jinping, grand fan de ballon rond et actuel vice-président, qui aurait donné le coup d’envoi de cette diplomatie du foot: en 2026, la Chine doit selon lui impérativement organiser, se qualifier et remporter la Coupe du monde. Un credo à ne pas prendre à la légère d’autant que Xi Jinping devrait devenir le prochain Président chinois et le secrétaire général du Parti en 2012.
[h=3]Des milliardaires rouges fans de foot[/h]Mais les véritables chevilles ouvrières de ce renouveau sont à chercher du côté des milliardaires rouges. Ces magnats de l’immobilier et des médias qui cherchent à s’attirer les bonnes grâces des politiques ont ainsi sorti le portefeuille pour s’offrir cette première brochette de stars. A Shanghai, c’est
Zhu Jun qui a signé le chèque. A 45 ans seulement, ce milliardaire a fait fortune dans les jeux vidéo avant de s’offrir Shenhua. Un club encore modeste puisqu’il a terminé à 31 points du leader la saison dernière.
Le leader, justement, c’est Guangzhou Evergrande qui s’est offert le ballon d’or brésilien l’an dernier, l’Argentin
Dario Conca, pour 10 millions et demi d’euros. Enfin à Dalian c’est un autre tycoon, Wang Jialin, qui a promis d’investir de sa poche 5 millions d’euros dans la sélection nationale et pourrait reprendre les rênes de l’équipe locale, les Shide. Une équipe qu’il avait abandonné suite à de multiples affaires de corruption.
Car c’est là la face noire du football chinois: les pots de vin. Fin décembre, une soixantaine de joueurs, entraîneurs et arbitres ont ainsi défilé devant les tribunaux du pays à l’issue d’une spectaculaire opération mains propres.
Accusés de corruption et d’avoir truqué des matchs. L’enquête aura duré deux ans et ils risquent de longues peines de prison. Le cas le plus spectaculaire est sans doute celui de l’arbitre international
Huang Junjie qui a admis lors de son procès avoir touché des pots de vin, près de 200.000 euros, pour arranger les résultats de deux matches internationaux amicaux et de six matches entre clubs chinois entre 2005 et 2009.
[h=3]Un championnat pourri par la corruption[/h]Certains joueurs auraient même payé pour être sélectionné en équipe nationale! L’affaire fait grand bruit.
«La corruption dans le football a terni l’image de ce sport en Chine et il était plus que temps d’y mettre un terme», a commenté l’Association Chinoise de Football.
Cette opération shopping a donc tout d’une opération lifting. Un grand ménage dans le football chinois qui ne ferait que commencer puisque Didier Drogba a été approché cet hiver par trois clubs chinois avant de décliner…
Pour le moment. La réputation du championnat reste sulfureuse et sportivement médiocre: à peine au niveau de la CFA, une 4e division, selon Philippe Troussier dans
L’Equipe.
L’arrivée de ces stars dans le pays est donc une aubaine pour les clubs qui espèrent du coup doubler leurs retombées publicitaires et tourner ainsi la page des années noires. Shanghai et ses 20 millions d’habitants peine en effet toujours à attirer les foules dans son stade de 35.000 places.
Le couple Anelka - Tigana devrait changer la donne dans le deuxième plus gros marché publicitaire au monde. En attendant l’émergence de véritables stars
made in China du ballon rond. Des sportifs qui ouvriraient alors toutes grandes les portes de l’Empire du Milieu. Un peu comme le géant Yao Ming avait popularisé le basket en Chine et médiatisé la NBA grâce à ses neuf saisons passées sur les parquets américains. Depuis, la NBA a créé une franchise en Chine et diffuse ses matchs sur 51 chaînes de télévision du pays.
Si Anelka transforme l’essai, le Championnat de France pourrait même être diffusé sur les chaînes chinoises, tout comme le sont déjà les Championnats anglais et espagnols. Le Quotidien du peuple
veut même croire à une possible diffusion en France des premiers matchs d’Anelka en Chine. Mais pour cela, l’ancien Bleu devra faire briller l’étoile de Shenhua dans le championnat chinois. Avant peut-être d’amener dans son sillage une vague rouge à la Coupe du monde… 2026.
Sébastien Le Belzic