EDIT: désolé par avance de la longueur du post, mais il y a tant à dire sur le sujet
Wow, en lisant
@Eric1964 j'ai l'impression de voir un "Capital" numéro spécial "
ces Français qui réussissent en Chine" (émission ou magazine papier, même combat), avec toutes les images d'Épinal biaisées d'une réussite à 10000 kms de la France, sans vraiment donner le contexte si nécessaire à la bonne compréhension.
De mon point de vue, et pour aider
@Hyrulean08, il y a plusieurs facteurs de réussite indispensable de l'entrepreneur étranger en Chine, des facteurs qui sont pas écrits dans les livres, mais dont l'importance ne peut être sous-estimée:
#1: un conjoint "local"
dans 98 ou 99% des cas, il a une moitié qui est chinois(e), ce qui simplifie énormément de choses quand tu montes une structure ici (vs. monter une société à capitaux étrangers par des étrangers), puisque tu mets tout au nom de la personne chinoise, en 2h et avec 3 kuais, tu peux monter une boite. Et si le conjoint local à une âme de businessman/woman, c'est encore mieux. C'est un choix à faire, mais la plupart de ceux qui réussissent n'ont soit quasiment rien à leur nom, soit un montage bien complexe via HK, etc... Ils l'admettront tous. Mais bon, ils apportent une idée, un savoir faire, des connexions étrangères, une gueule de laowai, un nom étranger, autant d'éléments pour un marketing efficace en Chine. Il suffirait de recenser le nombre de business "francais" qui est géré en sous-main par le conjoint "local", et on se rend compte que la promesse de l'OMC d'ouvrir la Chine aux entreprises étrangères n'est qu'une chimère.
Petite variante: lorsqu'on parle de conjoint "local", on peut étendre le terme à toute personne de confiance de nationalité chinoise (copain de classe, maitresse, collègue, belle-mère, etc...) avec qui l'entente est cordiale. Mais le/la conjoint(e) a bien souvent la préférence de l'entrepreneur(e) étranger(e), qui se dit que naïvement les liens d'un mariage empêcheront tout dérapage dans l'objectif de faire fructifier l'entreprise familiale.
#2: les connexions business essentielles en Chine
ces connexions sont de 2 types (de mon point de vue): les entrepreneurs comme toi, français, étranger ou chinois, qui ont une idée qu'ils veulent porter, et qui affrontent le mec parcours du combattant. C'est important de les rencontrer pour se remonter le moral, et partager les expériences, même s'il faut faire parfois le tri. Et certains seront plus avancés et prompts à partager des astuces sur les rouages, et comment anticiper le maelstrom bureaucratique chinois. Les autres connexions, ce sont justement tous ces rouages dont il faut s'occuper, dont tu connais l'existence ou pas (certains apparaissent en cours de route), et que tout le monde doit affronte. Qu'entendons nous par là? Avoir les connexions dans les banques, auprès d'avocats, des douanes, de la police locale, des pompiers, des comptables qui t'expliquent comment optimiser, du bureau des taxes, etc.... Bref, en Chine, il y a comme partout une multitude de choses à considérer lorsque l'on entreprend, mais ici cela prend rapidement plus de temps du fait de l'organisation bordélique des responsabilités de tous les rouages que tu rencontres. Et pour beaucoup d'entre eux, il te faut monnayer le seul pouvoir qu'ils possèdent: leur tampon nécessaire à biens des choses en Chine. Pour cela, on revient au #1, le conjoint "local" qui aide beaucoup autant dans la compréhension de ces rouages que dans la traduction. Gare toutefois au conjoint "local" qui n'aurait pas une âme d'entrepreneur, le risque est qu'il/elle se fasse influencer au cours de son parcours, et avec ses propres parents/proches qui viendront toujours donner leur avis, quand bien même ils n'y connaissent rien.
#3: un avantage concurrentiel
La base des cours de création d'entreprises. Que vends-tu que d'autres ne font pas aussi bien, mieux, peu cher, pas du tout, etc... Et pour cela, en Chine, l'étude et la connaissance des comportements des consommateurs ou des sociétés sont primordiales, essentielles, fondamentales, ce que tu veux. Quand j'entendais que Riboud père disait: "
1 milliard de chinois, ils boufferont tous du yaourt, faut y aller, Danone va fonctionner là bas", je n'ose imaginer combien de personnes il a envoyé dans le mur avec ce genre de déclaration. Et les yaourts ne sont pas encore passés dans le régime de base des chinois. On peut certes importer certains produits et les vendre pour ce qu'ils sont en prenant une bonne comm', mais le besoin d'adaptation à la population locale est très rapide et de plus en plus nécessaire, et le consommateur chinois n'est pas des plus fidèles, et souvent tatillon, très exigeant, déroutant dans ses choix, ses attentes, etc. Donc, trouver un avantage concurrentiel en Chine et l'exploiter, c'est de plus en plus le fait d'entrepreneurs chinois qui répondent à un besoin qu'ils identifient. Et plus tellement l'apanage des étrangers qui apportent une bonne idée.
#4: une adaptation à la pratique business chinoise
Dans la lignée de l'avantage concurrentiel, il faut aussi adapter ou développer des pratiques de business que l'on ne voit quasiment nulle part ailleurs mais qui font la norme ici: travailler avec des gens sans contrat (et les payer en liquide de ta poche, que tu te rembourses en notes de frais) / emmener une équipe jouer au paint-ball dans la boue, puis faire un barbecue de cartilages de volailles, sous couvert de team-building / oublier ses emails et ne communiquer que par message audio WeChat / emmener des clients dans des salons de massage ou tout autre lieu de débauche et payer pour l'ensemble des festivités / inviter et financer les voyages en Europe de membres du parti local. Pour tout cela, une fois encore le "conjoint local" s'avère être d'une grande utilité. Son "éthique" et son éducation n'étant pas la tienne, il/elle ne verra aucun souci là ou toi, tu te poseras quelques questions.
#5: la localisation
Par ici, j'entends une localisation qui te permet de facilement créer une boite et un avantage concurrentiel qui te donnera un peu de temps avant qu'une concurrence effroyable se mette route. Tu veux vendre des crêpes à Shanghai? Pas forcément l'idée la plus innovante dans le coin. Je vois qu'eric1964 se localise à Yangling, s'il a réussit à trouver une idée qui fonctionne là-bas, c'est un peu plus pépère qu'à Shanghai, Pékin ou Canton qui sont des villes saturées, puisque bien souvent portes d'entrées de nombreuses "bonnes idées" d'entrepreneurs. Mais soyons clair, ca n'enlève rien à son mérite pour autant (j'admire ceux qui osent entreprendre en Chine). Choisir une bonne localisation, c'est trouver un endroit avec du potentiel, mais sur lequel tu auras assez de temps de faire marcher le truc avant les tsunamis qui t'attendent. Et pour choisir, on en revient toujours au point #1, le conjoint. Dans un pays aussi grand que la Chine, il est vrai que ca aide de connaitre les gens du coin ou tu démarres.
#6: le temps
Quand tu possèdes un avantage concurrentiel en Chine, la question n'est pas de savoir si tu vas être copié, mais quand puisque tu vas l'être, on va dire que ca fait partie de l'expérience entreprenariale en Chine. Que tu fabriques des crêpes, un kindergarten en allemand, des tasses à double anse, des clés USB pour iPhone, tu vas devoir interagir avec des clients, des fournisseurs, des employées. Et si tu réussis, tous se diront qu'ils pourront faire mieux que toi, parce qu'eux connaissent la Chine. Bref, du jour ou tu montes ta boite, débute un contre-la-montre que même un Chris Froome chargé comme une mûle trouvera difficile. Il ne faut pas oublier également la notion de "
patriotisme économique" qui ici est plus que réel, c'est devenu depuis les 2-3 dernières années un leitmotiv puisque le marché local se contracte. Bref, les Chinois privilégieront toujours le business avec d'autres chinois.
#7: la vitesse d'exécution
Et si le temps passe déjà vite en Chine, la vitesse d'éxécution des chinois est elle, réellement impressionnante. Si tu veux concourir dans la même catégorie, il faut être assez flexible et rapide pour tenir le rythme, voire faire pivoter son business en quelques jours. Exemples: la multiplication des solutions de paiements, l'intérêt pour les gouts fantaisistes, le guerilla-marketing avec les réducs et les applis mobiles, tout nouveau produit qui fait son entrée dans le pays et que tu peux offrir, le marketing digital et WeChat qui deviennent ultra nécessaire pour n'importe quel business. Bref, dès qu'un concurrent bouge, tu dois être capable d'en faire autant pour ne pas perdre de clients.
#8: un moral à toute épreuve
C'est un peu l’acabit de n'importe quel entrepreneur, mais en Chine, ici plus qu'ailleurs, c'est puissance 10, parce que les lois du pays peuvent changer comme le temps en rade de Brest et ton business devenir interdit aux étrangers (d'ailleurs, kindergarten/éducation, j'imagine que ca pourrait bien être interdit aux étrangers bientôt), car le proprio des murs ou tu héberges ta boite peut décider de te dégager dans l'heure, parce que le comité du parti du quartier peut décider d'abattre l'immeuble, parce le fils du commissaire de police a repéré ton bouclard, et comme il a envie de faire pareil, tu vas avoir droit à un traitement spécial de la part de ses copains, etc... Les épreuves sont nombreuses, se succèdent à grande vitesse, et le terrain de jeu que représente la Chine ne favorise pas vraiment le fair-play, bien au contraire.
#9: de l’argent
Beaucoup d'argent. Si tu ne viens qu'avec qq dizaines de milliers d'euros, va-t-en ouvrir un stand à limonade sur une plage des Philippines. La Chine, ca demande bien plus d'argent, rien que pour engager les dépenses pour le temps de comprendre ou tu mets les pieds. Et dès que tu démarres qq chose, les dépenses affluent, et proviennent de multitudes de personnes, sociétés et administrations qui ont achevé plus d'un rédacteur de business plan. Le niveau de vie des Chinois a considérablement augmenté, le yuan s'est fortement apprécié face à l'euro, les salaires et le cout de la vie s'envolent, bref, de l'argent il en faut. Et considérant que les Chinois en ont aussi énormément, quand tu te retrouves en concurrence frontale avec eux, ils peuvent littéralement te marcher dessus.
#10: savoir garder toute sa tête, ou garder la tête froide
Une des caractéristiques des entrepreneurs que je croise ici, c'est cette préparation à ne devoir rien faire comme ailleurs. La Chine est différente, faut-il donc se préparer à faire les choses différemment ? Si tu as lu ce que j'écris ci-dessus, on est tenté de répondre oui.
Cependant, il faut savoir raison garder et ne pas se laisser griser par la vitesse d'execution, ou les connexions business qui t'influencent vers des mauvais choix sans vraiment le savoir. C'est le propre de l'entrepreneur et son "gut feeling" de se débrouiller dans tout cela. Mais pour le peu d'étrangers qui réussissent (souvent en additionnant les paramètres ci-dessus) combien ont-ils échoués ? Et se planter en Chine, ce n'est pas vraiment l'examen de passage que les américains affectionnent, mais plutôt un grand trou dans le portefeuille.
Donc, si tu cumules plus de 4 ou 5 des critères ci-dessus, avec une pondération particulière pour le point #1 qui vaut 5 critères à lui seul (et il semblerait qu'avec ton épouse chinoise, tu es déjà dans ce as), je dirais que l'aventure peut se tenter, tout en restant super prudent, sans compter qu'un projet d'entreprise en couple peut faire exploser ce dernier (vu plus d'une fois ici).
Mais si tu viens seul, ou avec des amis ne connaissant pas très bien la Chine, sans avoir un point d'ancrage (une personne de confiance) de nationalité chinoise et qui est 100% derrière l'idée en y mettant des billes à part égales, je pense que tu peux penser au stand de limonade en Thailande ou aux Philippines