Gilles Lipovetsky : «Nous vivons dans des sociétés où la séduction règne sans maître»
- Par Eugénie Bastié
- Mis à jour le 22/11/2017 à 16:44
- Publié le 22/11/2017 à 16:36
INTERVIEW - Consommation, politique, sexualité, éducation : la séduction ou le désir de plaire a envahi toutes les sphères de la vie sociale. Le philosophe*, qui étudie depuis longtemps les ressorts de l'hypermodernité libérale, met en garde contre les dérives de cette société de l'illimité.
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Plaire et toucher. Essai sur la société de séduction, vous affirmez que l'hypermodernité libérale se caractérise par la «suprématie de l'ethos de la séduction». Pourtant, la séduction a toujours existé. Qu'est-ce qui change aujourd'hui?
Gilles LIPOVETSKY. - Dans les sociétés anciennes, les stratégies de séduction étaient localisées, ritualisées, d'importance limitée. L'ordre global était commandé par la tradition et la religion. Il n'en va plus ainsi. Aujourd'hui, les opérations de séduction ont gagné tous les grands secteurs: consommation, médias, politique, éducation, culture. Le principe séduction s'impose comme une logique omniprésente et généralisée, réorganisant le fonctionnement des sphères dominantes de la vie sociale ainsi que les manières de vivre. De surcroît, nous assistons à la dé-traditionalisation de la séduction: les attitudes, les formes, les images de celle-ci ne cessent de se renouveler, mais aussi de se pluraliser, de s'individualiser (modes d'approche, façons de plaire, cosmétique, design des produits).