Le syndrome du château de cartes est de retour.
(désolé, le texte est un peu long, et j'ai pas le temps de le couper. Selon l'auteur, le scénario catastrophe, qu'il explique bien, est peu probable.)
Après avoir semblé insubmersible à la suite de la crise financière internationale de 2008, l'économie chinoise est à nouveau scrutée avec une inquiétude fiévreuse. Lundi dernier, la Bourse de Shanghai est revenue à sa valorisation de mars 2009, accusant une chute de 17 % depuis le début de l'année. Au point que le fonds souverain chinois CIC a fait savoir qu'il montait - légèrement -au capital des quatre principales banques du pays. Une méthode déjà utilisée en 2008 et 2009 par Pékin pour envoyer un signal positif au marché. La Bourse a rebondi, mais, sur le fond, les interrogations sur l'économie chinoise demeurent. Elles s'articulent autour de deux questions imbriquées, celle de l'impact des mesures prises pour calmer l'inflation, et celle du niveau d'endettement de la Chine.
Les autorités chinoises n'ont pas fait les choses à moitié pour ralentir la hausse des prix, en particulier dans l'immobilier. La banque centrale a fortement limité les capacités de crédit des banques. Et des mesures ciblées ont été prises pour diminuer les transactions immobilières. Mesures dont la philosophie était la suivante : oui à l'achat d'une résidence principale, non aux simples placements financiers.
On découvre aujourd'hui que ces politiques ont porté leurs fruits. Le nombre de transactions immobilières commence à baisser. Subitement, c'est la panique. En Bourse, les promoteurs dérapent. Le marché va-t-il s'effondrer ? Tout cela n'était-il qu'une bulle ? En matière bancaire, on scrute de près la ville de Wenzhou, dans la province du Zhejiang. Ce centre industriel est connu pour son marché du crédit sous-terrain. Les 400.000 entreprises de Wenzhou, peu soutenues par les banques, ont largement recours aux prêts informels, émanant de particuliers ou d'entreprises non bancaires, assortis de taux souvent usuriers. Ces dernières semaines, de nombreuses PME auraient fait faillite. On raconte que 90 propriétaires d'usine se sont volatilisés, incapables d'honorer leurs dettes. Le zoom des médias sur ce sujet a poussé le Premier ministre, Wen Jiabao, à se rendre sur place. Il a promis de faire le nécessaire pour que les PME aient un accès normal au crédit. Mais certains analystes craignent que ces dernières soient en train de mourir asphyxiées et que le crédit informel échappe à tout contrôle.
C'est là que la deuxième interrogation refait surface : les dettes cumulées de la Chine vont-elles devenir insoutenables ? Car les banques sont indirectement exposées au boom du crédit informel. La plupart des entreprises qui prêtent de l'argent ont en effet, elles-mêmes, emprunté auprès d'une banque. Si leurs débiteurs faisaient massivement défaut, elles seraient, à leur tour, dans l'incapacité de rembourser les banques. Ces dernières sont, par ailleurs, engagées dans le financement de milliers d'infrastructures encore loin d'être rentabilisées. Dans le cadre du plan de relance, elles ont été sommées de prêter aux gouvernements locaux pour construire, en 2009, ponts, autoroutes, gares et autres aéroports. Depuis, chacun s'interroge sur la solvabilité des autorités locales. Surtout à l'heure où le marché immobilier semble prêt à se retourner. Les rentrées d'argent des gouvernements locaux reposent en effet à 70 % sur des revenus fonciers. Le scénario noir est simple : le marché immobilier se retournant, il précipite dans sa chute les finances locales. Ce qui entraîne par la même occasion les banques, par ailleurs indirectement exposées à une éventuelle hécatombe dans le secteur bancaire informel.
Pourtant, cette hypothèse catastrophiste semble peu probable. Pour au moins quatre raisons. Premièrement, le retournement immobilier, sauf à être extrêmement fort, est gérable, voire souhaitable. Il y aura de la casse, mais Pékin est engagé dans un vaste programme de construction de logements sociaux qui devrait soutenir l'activité. Et les ménages chinois, lorsqu'ils achètent un appartement, ont toujours un apport personnel élevé. Donc pas de scénario « subprime » en perspective. Deuxièmement, la ville de Wenzhou représente moins de 1 % du PIB. Sans nier que la hausse du crédit informel soit un problème, il ne faut pas en exagérer le danger. Troisièmement, les finances locales ne sont peut-être pas au bord du précipice. Le montant de dettes qui ne seront jamais remboursées, même s'il devait dépasser substantiellement les 3.000 milliards de yuans considérés comme le pire scénario par Pékin, est déjà « très largement pris en compte par le marché », note ainsi Wang Tao, économiste chez UBS. Quatrièmement, Pékin a les moyens d'intervenir. Il peut lâcher du lest en matière monétaire ou, le cas échéant, renflouer ses banques, comme cela s'est fait par le passé.
Pourquoi, dès lors, une telle inquiétude des investisseurs ? Peut-être parce que, plus profondément, on touche aujourd'hui du doigt les limites du système chinois. Limites d'un système monétaire qui, en maintenant le yuan à un niveau faible, alimente l'inflation. Limites d'un système financier trop dirigiste et pas assez diversifié, dans lequel les banques, aux ordres de Pékin, non seulement prennent peu le risque de prêter aux PME, mais rémunèrent mal les dépôts. Ce qui pousse les particuliers, sans placement alternatif sérieux, à investir comme un seul homme dans la pierre, voire à prêter eux-mêmes leur argent à des taux plus avantageux. Limites d'un système fiscal dans lequel le pouvoir central se taille la part du lion des ressources, ce qui oblige les gouvernements locaux à entretenir une relation malsaine de dépendance vis-à-vis des revenus immobiliers. Limites, enfin et surtout, d'un système caractérisé par son opacité, hautement préjudiciable à l'heure où nul ne semble en mesure d'estimer avec précision le montant des créances douteuses. Au moment où plusieurs entreprises chinoises s'écroulent à la Bourse de New York parce qu'il s'avère qu'elles ont falsifié leur comptabilité, c'est peut-être ce déficit de fiabilité qui représente le principal risque pour la Chine.
Gabriel Grésillon est le correspondant des « Echos » à Pékin
(désolé, le texte est un peu long, et j'ai pas le temps de le couper. Selon l'auteur, le scénario catastrophe, qu'il explique bien, est peu probable.)
Après avoir semblé insubmersible à la suite de la crise financière internationale de 2008, l'économie chinoise est à nouveau scrutée avec une inquiétude fiévreuse. Lundi dernier, la Bourse de Shanghai est revenue à sa valorisation de mars 2009, accusant une chute de 17 % depuis le début de l'année. Au point que le fonds souverain chinois CIC a fait savoir qu'il montait - légèrement -au capital des quatre principales banques du pays. Une méthode déjà utilisée en 2008 et 2009 par Pékin pour envoyer un signal positif au marché. La Bourse a rebondi, mais, sur le fond, les interrogations sur l'économie chinoise demeurent. Elles s'articulent autour de deux questions imbriquées, celle de l'impact des mesures prises pour calmer l'inflation, et celle du niveau d'endettement de la Chine.
Les autorités chinoises n'ont pas fait les choses à moitié pour ralentir la hausse des prix, en particulier dans l'immobilier. La banque centrale a fortement limité les capacités de crédit des banques. Et des mesures ciblées ont été prises pour diminuer les transactions immobilières. Mesures dont la philosophie était la suivante : oui à l'achat d'une résidence principale, non aux simples placements financiers.
On découvre aujourd'hui que ces politiques ont porté leurs fruits. Le nombre de transactions immobilières commence à baisser. Subitement, c'est la panique. En Bourse, les promoteurs dérapent. Le marché va-t-il s'effondrer ? Tout cela n'était-il qu'une bulle ? En matière bancaire, on scrute de près la ville de Wenzhou, dans la province du Zhejiang. Ce centre industriel est connu pour son marché du crédit sous-terrain. Les 400.000 entreprises de Wenzhou, peu soutenues par les banques, ont largement recours aux prêts informels, émanant de particuliers ou d'entreprises non bancaires, assortis de taux souvent usuriers. Ces dernières semaines, de nombreuses PME auraient fait faillite. On raconte que 90 propriétaires d'usine se sont volatilisés, incapables d'honorer leurs dettes. Le zoom des médias sur ce sujet a poussé le Premier ministre, Wen Jiabao, à se rendre sur place. Il a promis de faire le nécessaire pour que les PME aient un accès normal au crédit. Mais certains analystes craignent que ces dernières soient en train de mourir asphyxiées et que le crédit informel échappe à tout contrôle.
C'est là que la deuxième interrogation refait surface : les dettes cumulées de la Chine vont-elles devenir insoutenables ? Car les banques sont indirectement exposées au boom du crédit informel. La plupart des entreprises qui prêtent de l'argent ont en effet, elles-mêmes, emprunté auprès d'une banque. Si leurs débiteurs faisaient massivement défaut, elles seraient, à leur tour, dans l'incapacité de rembourser les banques. Ces dernières sont, par ailleurs, engagées dans le financement de milliers d'infrastructures encore loin d'être rentabilisées. Dans le cadre du plan de relance, elles ont été sommées de prêter aux gouvernements locaux pour construire, en 2009, ponts, autoroutes, gares et autres aéroports. Depuis, chacun s'interroge sur la solvabilité des autorités locales. Surtout à l'heure où le marché immobilier semble prêt à se retourner. Les rentrées d'argent des gouvernements locaux reposent en effet à 70 % sur des revenus fonciers. Le scénario noir est simple : le marché immobilier se retournant, il précipite dans sa chute les finances locales. Ce qui entraîne par la même occasion les banques, par ailleurs indirectement exposées à une éventuelle hécatombe dans le secteur bancaire informel.
Pourtant, cette hypothèse catastrophiste semble peu probable. Pour au moins quatre raisons. Premièrement, le retournement immobilier, sauf à être extrêmement fort, est gérable, voire souhaitable. Il y aura de la casse, mais Pékin est engagé dans un vaste programme de construction de logements sociaux qui devrait soutenir l'activité. Et les ménages chinois, lorsqu'ils achètent un appartement, ont toujours un apport personnel élevé. Donc pas de scénario « subprime » en perspective. Deuxièmement, la ville de Wenzhou représente moins de 1 % du PIB. Sans nier que la hausse du crédit informel soit un problème, il ne faut pas en exagérer le danger. Troisièmement, les finances locales ne sont peut-être pas au bord du précipice. Le montant de dettes qui ne seront jamais remboursées, même s'il devait dépasser substantiellement les 3.000 milliards de yuans considérés comme le pire scénario par Pékin, est déjà « très largement pris en compte par le marché », note ainsi Wang Tao, économiste chez UBS. Quatrièmement, Pékin a les moyens d'intervenir. Il peut lâcher du lest en matière monétaire ou, le cas échéant, renflouer ses banques, comme cela s'est fait par le passé.
Pourquoi, dès lors, une telle inquiétude des investisseurs ? Peut-être parce que, plus profondément, on touche aujourd'hui du doigt les limites du système chinois. Limites d'un système monétaire qui, en maintenant le yuan à un niveau faible, alimente l'inflation. Limites d'un système financier trop dirigiste et pas assez diversifié, dans lequel les banques, aux ordres de Pékin, non seulement prennent peu le risque de prêter aux PME, mais rémunèrent mal les dépôts. Ce qui pousse les particuliers, sans placement alternatif sérieux, à investir comme un seul homme dans la pierre, voire à prêter eux-mêmes leur argent à des taux plus avantageux. Limites d'un système fiscal dans lequel le pouvoir central se taille la part du lion des ressources, ce qui oblige les gouvernements locaux à entretenir une relation malsaine de dépendance vis-à-vis des revenus immobiliers. Limites, enfin et surtout, d'un système caractérisé par son opacité, hautement préjudiciable à l'heure où nul ne semble en mesure d'estimer avec précision le montant des créances douteuses. Au moment où plusieurs entreprises chinoises s'écroulent à la Bourse de New York parce qu'il s'avère qu'elles ont falsifié leur comptabilité, c'est peut-être ce déficit de fiabilité qui représente le principal risque pour la Chine.
Gabriel Grésillon est le correspondant des « Echos » à Pékin
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