- un petit article complémentaire du Monde sur le sujet...
Chine : Dongguan soutient ses prostituées
http://www.lemonde.fr/international...an-soutient-ses-prostituees_4367909_3210.html
La « capitale du sexe » chinoise est en état de siège : Dongguan, la ville-champignon entre Canton et Shenzhen, est la cible d'une vaste opération policière depuis que la télévision centrale chinoise, CCTV, a diffusé le 9 février deux reportages en caméra cachée. On y suit un « faux client » dans une chambre d'hôtel où se déhanche un couple de filles numérotées jusqu'à ce qu'il choisisse celle qui lui convient. Le personnel est explicite sur les services proposés et se vante du très fort taux d'occupation de l'établissement.
La prostitution est, de notoriété publique, l'industrie la plus florissante de Dongguan. On estime à 300 000 le nombre de travailleurs du sexe, pour une contribution de 10 % à la production de richesse de ce centre manufacturier géant de 8 millions d'habitants. Le « style Dongguan » est même une référence. Il est, plaisante-t-on, aux normes ISO, ce qui rassure les clients potentiels, exposés en Chine à toutes sortes d'arnaques en raison de l'interdiction du recours à la prostitution (tout comme la prostitution elle-même et le proxénétisme).
L'opération, qui a conduit à l'arrestation de plusieurs dizaines de filles et de personnel d'établissement, se poursuit avec des enquêtes parmi les protecteurs haut placés du secteur. Le chef de la police a été limogé le 13 février.
CULOTTES
Mais l'affaire a aussi déclenché une vague de soutien dans le public pour les « petites mains » de l'industrie, le plus souvent des migrantes des campagnes en position de vulnérabilité extrême. Alors qu'Internet a crépité de milliers de
« Tiens bon, Dongguan ! » et
« Aujourd'hui, nous sommes tous des Dongguanais ! », nombre de commentateurs ont fustigé l'hypocrisie d'un système où l'Etat communiste met en scène le spectacle de sa sévérité après avoir cautionné les pires dérives. Plusieurs étudiantes de Wuhan ont manifesté en brandissant des culottes au nom du droit à l'intimité. La célèbre sexologue Li Yinhe a appelé sur son blog à une dépénalisation de la prostitution.
Tolérée moyennant des pots-de-vin, voire organisée par la police, la prostitution est en Chine étroitement imbriquée avec l'Etat policier. L'ONG américaine Asia Catalyst a détaillé, dans un rapport publié en décembre 2013, les fréquents abus policiers durant les arrestations, ainsi que les tentatives d'extorsion auprès des familles et des employeurs. Les prostituées sont le plus souvent envoyées sans procès dans un centre de détention et d'éducation (de six mois à deux ans) géré par la police. Elles y sont astreintes au travail forcé et doivent payer des frais exorbitants lors de leur séjour. Une véritable industrie, accuse l'ONG.