Relativisme absolu et relatif, vrai et faux universalisme par Dominique Schnapper Directrice d'études à l'EHESS
Relativisme, universalisme. Deux termes qui inondent le débat public, suscitent les passions et se déroulent dans une grande ambigüité. On nous somme de nous inscrire dans ces oppositions binaires comme s’il s’agissait de faire un choix et un choix clair – pour ou contre -, ce qui n’est évidemment pas le cas.
Extrait : Mary Douglas, la célèbre anthropologue britannique, nous mettait justement en garde contre la tentation de penser qu’il existe deux sortes de gens, deux sortes de réalité ou deux sortes de processus. Au risque d’être « professorale », comme me l’a dit un journaliste à la télévision en général mieux inspiré (et ce n’était pas un compliment !), quelques éclaircissements s’imposent.
Relativisme
Le « relativisme » est maintenant l’objet de la condamnation dans un projet de loi. Il désignerait la fin des valeurs partagées, l’acceptation de tous les comportements y compris ceux qui nous paraissent les plus répréhensibles, le refus de respecter les principes et les valeurs qui nous permettent de vivre ensemble dans une démocratie. L’idée du relativisme des normes et des valeurs a pourtant une solide tradition. Dans notre histoire nationale, on peut rappeler Montaigne, témoin des guerres de religion : « Il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n’avons d’autre mire de la vérité et de la raison que l’exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes ». Et Pascal de lui faire écho par la célèbre formule / « Vérité en-deça des Pyrénées, vérité au-delà », « Chaque usage a sa raison ». Ce relativisme culturel est au fondement du projet de toutes les sciences de l’homme, de l’anthropologie à la sociologie. En même temps il est lié à l’idée démocratique dans la mesure où il est l’une des dimensions de la liberté. Ce n’est donc pas le relativisme en tant que tel qui doit être dénoncé, mais la
dérive du relativisme qu’a analysée le grand anthropologue libanais, mon ami Selim Abou, en faisant la distinction fondamentale entre le relativisme
absolu et le relativisme
relatif.
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L’aspiration à l’universel est la condition de maintien des particularismes. / Dominique Schnapper
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