A Londres, le célèbre tailleur Gieves & Hawkes est au bord du gouffre, à cause des ambitions démesurées de son actionnaire chinois, Shandong Ruyi.
En Chine, le secteur immobilier n'est pas le seul à menacer la croissance mondiale. Dans la province du Shandong, terre natale de Confucius, les soubresauts d'un géant du textile se font sentir jusqu'à Londres, et plus précisément à Savile Row, la célèbre rue des tailleurs les plus chics du Royaume-Uni. Cette semaine, la nouvelle selon laquelle Gieves & Hawkes, habilleur des rois et reines d'Angleterre, était au bord de la faillite en raison des difficultés financières de sa maison mère, le groupe chinois Shandong Ruyi, a fait s'entrechoquer bien des tasses de thé.
Ce géant de l'habillement, qui se rêve en LVMH chinois, a péché semble-t-il par une trop grande fringale d'acquisitions. En dix ans, Shandong Ruyi a racheté de nombreuses marques européennes, dont Gieves & Hawkes, mais aussi Cerruti 1881, Sandro, Maje et Claudie Pierlot, autant de marques françaises qui peuvent se faire du souci pour leur avenir. Les yeux plus gros que le ventre, Shandong Ruyi doit aujourd'hui faire face à une montagne de dettes, estimée à 4 milliards de dollars par le quotidien
The Times.
De Nelson à Michael Jackson
Sa stratégie d'expansion tous azimuts, aussi hasardeuse que risquée, menace donc Gieves & Hawkes, un tailleur vieux de deux cent cinquante ans, qui habilla sur mesure tous les monarques depuis George III, l'amiral Nelson, vainqueur de Napoléon, mais aussi Charlie Chaplin, Winston Churchill et Michael Jackson. A l'origine tailleur des officiers de l'armée britannique et de la Royal Navy, ce joyau anglais est connu pour son art de l'emmanchure, notamment le style "cigarette" qui anoblit la carrure.
Son magasin blanc, au 1, Savile Row, juste au coin de Vigo Street, est une véritable institution et l'idée même qu'il pourrait bientôt laisser place à une vulgaire marque de prêt-à-porter remplit d'effroi les amoureux du sur-mesure à l'anglaise. Les douze semaines nécessaires à l'élaboration d'un costume, les séances d'essayage avec un "coupeur" attitré, les discussions sur les cran, revers, col, cassure, fente, patte, pince, passepoilé et emmanchures appartiennent à ces légendes dont seule Londres a le secret. Si la rencontre de la dernière chance pour trouver un repreneur qui doit avoir lieu début novembre à Hongkong ne devait aboutir, ce serait un petit pan de l'histoire du chic anglais qui disparaîtrait. Et l'on ne pourra plus dire
"My taylor is rich".
A Londres, le célèbre tailleur Gieves & Hawkes est au bord du gouffre, à cause des ambitions démesurées de son actionnaire chinois, Shandong Ruyi.
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