Reflexions & ruptures sociologiques de notre epoque ...

28 decembre 2024
Duree 1:33:07
Synopsis : Ce documentaire retrace l'itinéraire intellectuel de l'auteur de Tristes Tropiques et de La pensée sauvage, anthropologue et fondateur de l'anthropologie structurale en France, à travers des morceaux choisis de nombreux entretiens filmés accordés par Claude Lévi-Strauss depuis les années 60. Une initiation passionnante à la pensée d'un homme curieux de tous les hommes, toujours confiant (malgré son pessimisme sur le monde actuel) dans les capacités créatrices de l'esprit humain.Ce documentaire a été réalisé à des fins pédagogiques et peut contenir des images qui peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes. Si vous êtes une personne sensible, le visionnage de ce documentaire vous est déconseillé.


 

La démocratie face à la fatigue de l’information par Antoine de Tarlé Ancien président d’Ouest France Multimedia et ancien enseignant de l’Ecole de journalisme de Sciences Po

14 janvier 2025

En 2022, deux chercheurs de la fondation Jean Jaurès, Guénaèle Gault et David Medioni, ont mené une étude sur un phénomène récent mais de plus en plus préoccupant :

Analyse : la fatigue et donc le retrait des usagers qui ne parviennent plus à maîtriser un afflux croissant et désordonné de nouvelles. Ils constatèrent que 53% des Français souffraient de fatigue informationnelle dont 38% de manière intense. Une nouvelle enquête menée en 2024 a fourni des résultats comparables puisque 54% des personnes interrogées ont fait état de cette fatigue.

Ce constat ne se limite pas à la France. Comme le montre l’enquête annuelle de l’institut Reuters on trouve des chiffres du même ordre aux États-Unis et dans le reste de l’Europe. Cette fatigue généralisée entraîne partout une désaffection à l’encontre des médias traditionnels ou numériques. Sur l’ensemble des pays couverts par Reuters, une moyenne de 39% des personnes interrogées déclarent éviter carrément de s’informer. Ce phénomène a des causes profondes qu’il convient d’examiner pour tenter d’y remédier tant cette crise de l’information constitue une menace pour le fonctionnement normal de la démocratie.

La lassitude face à l’information permanente

L’enquête de la fondation Jean Jaurès souligne que les raisons principales de ce désarroi sont la conséquence des changements majeurs du fonctionnement de l’information depuis le début du XXIe siècle. Les médias traditionnels, journaux et chaînes de télévision proposaient aux usagers des rendez-vous fixes en dehors desquels chacun pouvait poursuivre sa vie. Or ils sont remplacés désormais et dans une large mesure par les réseaux sociaux et les messageries, qui sont accessibles en permanence en raison de l’usage généralisé des smartphones. C’est ainsi que 62% des personnes interrogées utilisent fréquemment les réseaux sociaux pour s’informer contre 51% pour les journaux télévisés et 41% pour la radio.

42% des personnes interrogées ont par conséquent le sentiment d’un trop plein d’informations qui les empêche de prendre du recul. 47% ont du mal à distinguer entre vraie et fausse information ou à relever ce qui est important et ce qu’il ne l’est pas. Dans ces conditions, elles sont 53% à avoir du mal à suivre le fil des événements.

Il en résulte un découragement face à l’actualité, ce qui est le cas de 57% des personnes interrogées. 43% en concluent qu’il n’est pas important de s’informer. Il en résulte une médiocre confiance dans les médias. Seulement 43% de l’ensemble de la population leur font confiance, et ce chiffre tombe à 38% pour les très fatigués. Par ailleurs, l’intérêt pour la politique ne se manifeste plus que pour 43% des personnes interrogées qui, en majorité, considèrent qu’il n’y a pas de différence entre la gauche et la droite. L’arrivée de l’intelligence artificielle, source d’innombrables manipulations du son et de l’image, ne fait que renforcer ces réflexes de méfiance et de retrait.

Le rapport Reuters qui examine chaque année le comportement des usagers dans 45 pays donne un aperçu de l’origine sociale des différentes catégories de consommateurs d’information. Les plus fatigués sont en majorité les moins de 35 ans et les non diplômés. En revanche, les plus diplômés et les plus de 65 ans continuent à faire majoritairement confiance aux médias traditionnels ou, dans une moindre mesure, numériques. Néanmoins, seule une minorité, de 10 à 20% selon les pays, est disposée à payer pour bénéficier d’une information numérique de meilleure qualité.

L’influence persistante des réseaux sociaux

Cependant, même les plus fatigués restent captifs des réseaux sociaux qu’ils ne peuvent s’empêcher de regarder. Selon la fondation Jean Jaurès, 51% des personnes interrogées reconnaissent passer beaucoup plus de temps que prévu sur les réseaux sociaux. Il s’agit certes pour elles d’une forme de divertissement mais elles récoltent malgré tout des bribes d’information mêlées à d’innombrables vidéos de loisirs, comme c’est notamment le cas sur Instagram ou Tik Tok. De ce fait, elles souffrent comme les autres catégories de la population du caractère anxiogène de ce flot continu d’alertes non sollicitées qui porte souvent sur des sujets particulièrement inquiétants comme l’Ukraine ou le Moyen Orient.

Ainsi, la combinaison du déclin de la confiance dans les médias traditionnels et du recours massif aux réseaux sociaux et messageries qui ne sont pourtant pas considérés comme suffisamment fiables aboutit à une dégradation majeure de l’information. Cette dégradation est aggravée par deux autres phénomènes : d’une part, le rôle croissant des influenceurs, c’est-à-dire des personnes sans aucune formation journalistique mais qui maîtrisent parfaitement les réseaux sociaux et qui rassemblent des centaines de milliers d’internautes ou même des millions comme Hugo décrypte en France, et d’autre part la propension de beaucoup d’usagers à créer leur propre information à travers des boucles de milliers d’intervenants sur WhatsApp ou Telegram où circulent impunément fausses nouvelles et propos complotistes.

Cette situation n’est pourtant pas irréversible. Les enquêtes de la fondation Jean Jaurès et du Reuters Institute montrent qu’il existe une forte demande pour une information correctement vérifiée et hiérarchisée qui permette de comprendre ce qui se passe dans le pays et dans le monde et qui traite les faits sans préjugés, de manière équitable. Il faut y ajouter le souhait chez les plus jeunes d’avoir accès à des informations positives, qui expliquent les initiatives et les succès des acteurs de l’économie et de la vie sociale.

La responsabilité des médias et des instances de régulation

Ce constat conduit logiquement à mettre en cause la responsabilité des médias et des pouvoirs publics. Si on veut éviter que cette fatigue qui entraine un retrait face à l’information d’environ un tiers de la population ne poursuive ses effets négatifs, il importe de réagir.

Les médias doivent tirer les conséquences du succès des influenceurs auprès des jeunes. Ce succès est dû dans une large mesure au fait que ces personnages tiennent un langage aisément accessible et sélectionnent des questions qui intéressent leur public. Presse et télévision doivent donc faire l’effort de modifier leur présentation pour être plus accessibles et de mieux tenir compte du rôle croissant de la vidéo et des podcasts.

Un autre défi à relever consiste à réduire l’importance des alertes sur les multiples crises de la planète pour éviter une forme de harcèlement médiatique, et donner en revanche la priorité aux enquêtes de fond sur les questions de la vie quotidienne.

Enfin pour tenir compte du relatif désintérêt à l’égard des applications des médias que seuls 20% des internautes consultent, presse et audiovisuel doivent accroître leur présence sur les grandes plateformes et notamment Instagram et TikTok plébiscitées par les jeunes.

Le besoin de régulation demeure en dépit des efforts des autorités nationales et européennes. Les grandes plateformes telles que Facebook, Instagram ou YouTube ont mis en place des dispositifs qui leur permettent de réduire l’importance des fausses nouvelles, mais les annonces récentes de Mark Zuckerberg (fondateur et dirigeant de Meta, qui possède Facebook) suggèrent une forte réduction des moyens alloués à la modération. Ils suivent ainsi la voie ouverte par X (ex-Twitter) que son propriétaire Elon Musk a libéré de toute contrainte et qui devrait être sanctionné par l’Union Européenne. La lutte contre la désinformation, alors que celle-ci est un facteur déterminant du rejet de l’information reste un vaste chantier pour lequel les citoyens, les médias et les pouvoirs publics doivent se mobiliser.


 

La frontière technologique et la remise en cause de la démocratie par Bernard Guilhon Professeur d'économie, Skema Business School .

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17 janvier 2025

La comparaison des PIB de 2024 avec ceux de 2019 indique que les États-Unis ont progressé de 10,7% alors que la moyenne de l’UE est de 4,8% et la performance de la France est de 3,7%. L’écart cumulé des taux de croissance des pays membres de l’UE sur vingt ans fait que, à cet horizon, aucun pays européen ne fera partie du G20.

Extrait de l'analyse : Pourquoi cette divergence ? Pour la saisir, il faut considérer à la fois les choix européens et, en regard, le sentier de développement américain, de plus en plus différent du nôtre. Ce ne sont pas simplement des modèles de financement ou des politiques économiques qui sont en cause, mais des arrangements institutionnels. Le deuxième mandat de Trump pourrait accélérer cette divergence.

La politique de la concurrence éloigne l’UE de la frontière technologique

L’objectif de la Stratégie de Lisbonne était que l’UE devienne l’économie la plus compétitive du monde par la production de connaissances et l’innovation. La concurrence devait enclencher la séquence : les gains de productivité amèneraient des dépenses accrues de R&D et d’investissement, qui permettraient des gains de parts de marché dans les produits de haute technologie. Les résultats ont été décevants. Si l’effet de « sagesse installée » enferme les comportements dans des séquences passées, l’UE affronte encore plusieurs vents contraires.

On admet certes l’idée que des taux de croissance plus élevés du PIB résultent de la capacité à exploiter les opportunités technologiques émergentes. Or le problème qui se pose est celui du sous-investissement des entreprises européennes. L’aversion pour le risque qu’elles ont développée se lit dans l’encours d’actifs liquides et monétaires « qui atteint [aujourd’hui] l’équivalent de quelque 30% du PIB en valeur contre 7,5% aux Etats-Unis[1] ». Pour financer les investissements dans les nouvelles techologies et la transition énergétique, il faut accroître l’épargne risquée et unifier, comme le recommande le rapport Draghi, des marchés de capitaux aujourd’hui trop fragmentés.

Les entreprises qui adaptent leurs stratégies aux institutions existantes concues dans le cadre de la libéralisation et de la concurrence peuvent être confrontées à des inefficiences lorsque des modifications importantes affectent les technologies, les marchés les produits ou l’environnement. Des transformations institutionnelles sont nécessaires pour concevoir des politiques industrielles suffisamment abondées et articulées à des politiques scientifiques et technologiques canalisées dans des directions privilégiées.

En effet, la politique de la concurrence a montré ses limites. C’est à la fois une question de fond, et une question empirique dans un contexte mondial qui n’est pas celui de la concurrence pure et parfaite.

Question de fond tout d’abord. Plutôt que de s'en remettre aux préférences et aux anticipations des agents économiques, il faut admettre que les défis contemporains ne peuvent être pris en charge par les seules forces du marché. Les marchés sont « aveugles » et même s'ils ne défaillent pas au sens de Pareto, ils sont incapables de fournir seuls une vision renouvelée et qualitativement différente du développement économique. Plus précisément, les signaux du marché sont limités quant à leur capacité à orienter le développement technico-économique. Le développement économique n'est pas le résultat d'avantages compétitifs naturels, exogènes et existants, mais la conséquence d'une création endogène de nouvelles opportunités qui conduisent à définir et à établir de nouveaux avantages compétitifs.


Suite de l'analyse >>>>

 

La fièvre parlementaire: colère, polarisation et politique TikTok à l’Assemblée nationale par Yann AlganDoyen de l'École d'affaires publiques et professeur d'économie, Sciences Po-Thomas RenaultMaître de conférence en économie, université Paris 1 Panthéon-SorbonneContact Thomas RenaultHugo SubtilChercheur post-doc, université de Zurich

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31 janvier 2024

Le vote de la motion de censure, et la démission du gouvernement Barnier le 4 décembre 2024, constituent l’acmé d’une véritable révolution politique en France. Avec cette censure, quasiment inédite dans l’histoire de la Ve République, la polarisation de la vie politique a atteint un sommet.

Extrait : Dans une récente note du Cepremap, « La Fièvre parlementaire : ce monde où l’on catche », nous utilisons des méthodes d’analyse textuelle et d’intelligence artificielle pour illustrer la métamorphose de l’Assemblée nationale à partir d’une analyse des deux millions de discours prononcés entre 2007 et 2024. L’ancien monde politique, marqué par l’alternance au pouvoir entre la gauche et la droite qui rythmait les débats parlementaires, a laissé place au nouveau monde. Celui-ci se caractérise par la fragmentation des partis et une polarisation très forte des débats à l’Assemblée depuis 2017.

Cette polarisation a été exacerbée par l’irruption des réseaux sociaux dans l’antre de notre démocratie.

La rhétorique émotionnelle s’est imposée depuis 2017, et de façon encore plus marquée à partir de 2022, tandis que le débat rationnel recule, diminuant ainsi leur caractère délibératif. Aujourd’hui, plus de la moitié des discours se rapprochent davantage de l’émotionnel que du rationnel. Les partis politiques populistes, tels que La France Insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN), sont les principaux vecteurs de cette évolution, bien que leurs trajectoires divergent. Alors que LFI intensifie sa rhétorique émotionnelle, le RN, conformément à la « stratégie de la cravate » affichée par Marine Le Pen, amorce une normalisation progressive.

Cette hausse des émotions est dominée par la colère, qui constitue 75% des discours émotionnels chez LFI et le RN. Ce phénomène n’est pas isolé. Les groupes politiques du centre et de la droite républicaine montrent également une augmentation — plus modérée — des émotions dans leurs discours, bien que les émotions positives comme la joie y soient plus présentes. Cependant, cette évolution marque une rupture avec l’ancien monde où les émotions étaient davantage liées à l’alternance au pouvoir : la gauche se montrait plus émotionnelle sous les gouvernements de droite, et vice versa. Aujourd’hui, tous les partis semblent être en colère.

Une deuxième leçon de cette radioscopie de l’Assemblée nationale est l’avènement d’une polarisation inédite des débats. Tout d’abord le fait que ce soit la colère qui domine les débats, en particulier aux deux extrémités de l’hémicycle, et non la peur ou la tristesse, rend toute marge de débats ou de réconciliation improbable. Les recherches les plus récentes en sciences cognitives et sciences sociales montrent que les individus dominés par la colère ne cherchent pas le compromis, mais à renverser la table dans une logique du « plus rien à perdre », et sont imperméables aux nouvelles informations contraires à leurs croyances initiales.[1] Cela se retrouve dans la hausse vertigineuse de nos indices de polarisation des débats dans les thématiques, le lexique, et les attaques des autres camps. Selon nos mesures, la polarisation a été multipliée par cinq au cours des deux dernière décennies, et surtout à partir de 2017 puis 2022.



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TIK TOK & cie mais pas seulement , en ajoutant les IA , tout le monde y va de son repertoire ...
 
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