J’avais promis à certains membres de donner mes impressions sur la France.
Pour rappel, j’ai vécu 12 ans à Shanghai, puis 3 ans en France et désormais on est en Belgique.
Je suis rentré en France pour y chercher du boulot (j’avais RDV pour un entretien final).
Situation familiale : épouse chinoise + 2 enfants ados
Point de chute : Une préfecture de province de 30 000 habitants (dont je n’étais pas originaire, je n’y avais strictement aucune connaissance).
Carrière pro : uniquement en Chine à notre arrivée en France
Administration
CPAM
Pour moi et les enfants, tout s’est bien passé. J’étais à la CFE donc le retour s’est passé sans problème et j’ai obtenu ma nouvelle carte vitale en 2 mois.
Pour mon épouse ce fut la galère car, malgré que nous ayons fourni tous les documents demandés lors de notre entrevue avec la conseillère, ils ont mis 5 mois à nous répondre par courrier qu’il manquait un document. Nous l’avons fourni, et puis 4 mois plus tard il manquait encore quelque chose. Elle a obtenu sa carte vitale 12 mois après notre arrivée, mais heureusement ses dépenses santé étaient remboursées à partir de 3 mois après son arrivée sur le territoire.
Après, quelle galère pour trouver un médecin…c’est devenu n’importe quoi. Il y a ceux qui habitent dans la même ville depuis plusieurs décennies et qui ont un médecin, et puis les autres qui se démerdent comme ils peuvent. Beaucoup de mes jeunes collègues qui étaient arrivés il y a quelques années n’avaient toujours pas de médecin traitant, et devaient donc aller à SOS Médecin, aux urgences, ou bien appeler une 20aine de médecins pour obtenir un RDV.
Nous on a finalement trouvé un médecin qui a accepté notre famille, en jouant un peu sur la corde sensible. Mais il était à quelques mois de la retraite et ne travaillait plus que 3 jours par semaine. Donc chaud pour obtenir un RDV quand il le fallait.
La France a sciemment organisé une pénurie de médecins pour boucher le trou de la sécu…quelle connerie. Au final ça coutera plus cher parce qu’au lieu de soigner des petits bobos, on devra payer pour des cancers non diagnostiqués à temps.
Préfecture
Mon épouse a d’abord reçu une carte de résident d’1 an, puis de 10 ans. Je l’ai accompagné à chaque fois, le personnel était sympa, peu d’attente car petite ville.
Elle a eu droit à des cours de français gratuits dispensés par le GRETA, suite à son inscription à Pôle Emploi. Elle a pu faire des stages en entreprise en lien avec son projet professionnel. Les cours étaient très orientés recherche d’emploi bien sûr mais c’était utile. Au final, elle a abandonné son projet professionnel (devenir pâtissier) car au-delà du CAP Pâtisserie à payer (4000€), les perspectives n’étaient pas très réjouissantes : gagner le SMIC en se levant à 2h du matin. Autant dire l’arnaque.
CAF
Il faut s’y inscrire pour récupérer les allocations familiales. On a un peu galéré car ils voulaient absolument un certificat de naissance de mon épouse qui suivait un modèle prédéfini en 4 pages (le certificat de naissance fourni et accepté par la CPAM, la CAF le refusait…va savoir). Ce qui est bien c’est que de toute façon l’inscription est rétroactive et par le biais des tampons d’entrée, on a récupéré toutes les allocs dues depuis l’arrivée des enfants sur le sol français.
Impôts
Je n’avais jamais fait de déclaration d’impôts en France, et n’avais donc pas de numéro fiscal. Malgré cela, tout s’est bien passé, j’ai dû faire une déclaration papier pour la première fois, et les fois suivantes j’ai pu utiliser le formulaire en ligne.
J’ai quand même bien galéré à remplir ma 1ère déclaration d’impôts (j’ai passé du temps sur les différentes notices) car j’ai dû déclarer mes comptes bancaires en Chine, et les loyers que je percevais à Shanghai. Il ne faut pas se planter de case si on ne veut pas passer à côté de tel crédit d’impôt…
Sécurité routière
On ne rigole vraiment plus avec les excès de vitesse, je me suis fait flashé 2 fois.
J’ai appris à rouler avec le régulateur/limiteur + Waze.
Vie professionnelle
Je suis tombé sur une PMI française leader sur son secteur, très profitable, mais malheureusement possédée à 100% par un actionnaire US. Poste de cadre mais sans équipe à manager.
A noter que mon expérience en Chine n’a pas joué dans le processus de recrutement.
Avantages : 29 congés payés, 23 RTT (!) par an + prime sur objectif + participation (en général 1.5 mois de salaire), aide à la recherche de logement, tickets resto 8.5€/jour, bonne mutuelle.
Inconvénients : 1 salaire net mensuel divisé par 2 par rapport à Shanghai. 1 actionnaire US qui ne vise que la rentabilité à court-terme pour les fonds de pension américains.
C’était ma première vraie expérience professionnelle en France (je ne compte pas les stages), à 36 ans. Tous les cadres qui géraient une équipe bossaient comme des malades, avec des journées à 7h à 20h30. Les autres cadres et les employés travaillaient sérieusement, mais faisaient leurs heures et basta. On m’a proposé au bout d’un an de gérer une équipe pour 200€ de plus et j’ai refusé (arguant du fait que j’adorais mon poste actuel, blablabla) : je ne voyais pas l’intérêt, je faisais mes 35h pépère (j’étais au forfait-jour donc ça fluctuait, mais c’était la moyenne), et j’aurais dû faire 50h pour 200€ de plus, la blague. En Chine, j’avais géré une équipe et même une société entière, mais cela valait le coup niveau salaire, ici ce n’était pas le cas. D’ailleurs, les nouvelles générations en France ne veulent pas devenir manager pour la plupart.
On était tous en open-space donc c’était très dur de bosser dans ces conditions.
La boîte vendait un super produit, breveté, et qui plaisait aux clients. Donc la poule aux œufs d’or, c’est d’ailleurs pour ça que les amerloques l’ont racheté au fondateur. Malheureusement, les US ne voulaient que de la rentabilité, donc augmentation des prix de vente, réduction des coûts, rognage budget R&D. Et le management local était vraiment nul à chier, toujours à se cacher derrière les américains et occupé à ne surtout rien faire pour pouvoir garder leurs places. Donc j’ai vite senti qu’il fallait que je fasse mes 3 ans pour le CV, et basta.
En additionnant tous les avantages, la situation n’était pas si mauvaise que ça, on arrivait à vivre avec mon seul salaire à 4.
Mais on a pu commencer à économiser lorsque mon épouse a trouvé du boulot, dans une usine, payé au SMIC. En gros, on pouvait économiser son salaire tous les mois.
Adaptation du conjoint
Mon épouse s’est remarquablement bien habituée. Ce qui était bien, c’est que la 1ère année elle pouvait conduire avec son permis chinois donc elle était autonome. Après c’est devenu plus chiant car j’étais obligé de l’accompagner un peu partout (les courses su samedi matin, quelle horreur !)
Occasionnellement elle achetait en ligne de la bouffe chinoise, du riz.
Elle a pu s’intégrer grâce aux cours dispensés par le GRETA, ses stages en entreprise, puis son boulot.
Trouver un logement
Dans mon cas, ça a été super facile car ma boîte a chargé un organisme de sélectionner des logements disponibles sur le secteur.
On a trouvé un pavillon dans un quartier calme (beaucoup de retraités) à 400m du collège. On voulait éviter aux enfants de devoir prendre le car scolaire. Loyer de 800€ pour 120 m2 et un grand jardin tranquille.
Ecole
Passer du Lycée Français de Shanghai à un collège public de province, c’est un grand écart.
Le gros + : je trouve que les collègiens se sont assagis par rapport à mon époque (pas de harcèlement, quasi pas de bagarres, etc). J’ai l’impression que le téléphone portable a anesthésié les ados en les rendant complétement amorphes.
D’un autre côté, les programmes scolaires se sont allégés de beaucoup, et en plus il y a énormément d’absences professeurs (maladie, formation) qui ne sont pas remplacés. Dans l’année les enfants ont dû louper facilement une 15aine de demi-journées. Et rajouter aussi les heures perdues pour RDV chez l’orthodontiste qui bien sûr ne bosse pas en soirée ou le WE.
En conclusion, les programmes sont légers et en plus ils ne sont pas vus entièrement par manque d’heures. Dans un monde globalisé, les petits français prennent beaucoup de retard par rapport aux autres pays.
Les moyens informatiques semblent dérisoires à notre époque : quelques vieux PC, utilisés même pas une 10aine dans l’année. Aucun cours de programmation par exemple.
J’ai essayé de les mettre dans un collège privé (ça coûtait pas cher, 120€ par mois) mais plus de place. Les parents veulent tous mettre leurs enfants dans le privé désormais car ils voient la chienlit qu’est devenu le public.
Franchement, c’était déjà pas top quand j’étais gamin, mais là l’éducation française part complètement en couille. Donc un conseil à ceux qui rentrent : optez pour le privé si vous le pouvez.
Qualité de vie globale
Le fait d’habiter dans une préfecture en province s’est avéré être un très bon choix. J’allais au taf en vélo, mon épouse aussi.
On faisait beaucoup de sport (jogging, vélo).
On se chauffait au bois, c’était sympa et rentable.
Vivre dans une maison en lieu et place d’un appart c’est du bonheur : j’ai pu me mettre au bricolage dans le garage.
La bouffe (j’étais en Bourgogne) était simplement extra. Pour les fruits, légumes et fromages, on allait dans la chaine « Grand Frais », la viande chez le boucher, quelques produits Bio chez « Biocoop », et le reste en grandes surfaces (on utilisait souvent le Drive pour ça). Clairement on se faisait plaisir niveau bouffe, on claquait 800€/mois à 4.
On s’est fait facilement des amis, alors que nous ne sommes pas des grands extravertis.
On a appris à connaître les voisins, et on se filait des coups de main.
Je me suis fait un petit groupe d’amis au boulot (5-6 personnes), on bouffait ensemble le midi en refaisant le monde, et bizarrement j’avais de meilleures relations avec des collègues qui avaient 10 ans de moins que moi. Franchement ça changeait des discussions superficielles que je pouvais avoir avec les collègues chinois.
Mon épouse s’est aussi fait des amies au GRETA (une roumaine, une mexicaine) puis au boulot. Elle s’est vachement améliorée en français oral grâce au travail.
Famille
On habitait quand même à 6h de route de mes parents et grands-parents, donc au final on allait pas les voir si souvent que ça, disons 4 fois par an grâce aux vacances et surtout aux weekends prolongés.
Conclusion
Je ne regrette pas du tout notre retour en Chine, c’est le bon moment de quitter la Chine : les enfants étaient en CM1, ma femme s’inquiétait de la pollution, et ma carrière pro commençait à végéter.
On s’est littéralement refait une santé en pratiquant beaucoup plus de sport et en mangeant sainement.
La France reste sympa à vivre, malgré quelques désagréments : école qui part en couille, système de santé défaillant.
Le stress au boulot était minime, je n’y pensais plus dès que je quittais le bureau (ce qui n’était pas le cas en Chine).
Je viens de quitter mon entreprise pour rejoindre un groupe danois, au sein de leur entité hollandaise. On vit désormais en Belgique (région de Liège) et mon n+1 est anglais. Quand on dit qu’on vit dans un monde globalisé.
L’idée est de retourner en Chine dans 5 ans, sans les enfants qui partiront à l’université. Mon épouse veut se rapprocher de ses parents bien entendu. De mon côté, j’en ai déjà parlé à mon n+1, donc tout est clair à ce niveau.