C'est clair que le titre du fil plus précisément "un chinois explique l'économie au français" est un peu biaisé, ou disons tout du moins que son sens implicite est quand même assez manifeste.
- la vidéo est postée sur la chaine "libertarienTV", donc ça implique déjà une orientation dans le message qu'elle veut véhiculer;
pour info :
Le
libertarianisme est une
philosophie politique prônant, au sein d'un système de
propriété et de
marché universel, la
liberté individuelle1 en tant que
droit naturel. La
liberté est conçue par le libertarianisme comme une
valeur fondamentale des
rapports sociaux, des échanges économiques et du
système politique.
Les libertariens se fondent sur le
principe de non-agression2 qui affirme que nul ne peut prendre l'initiative de la
force physique contre un
individu, sa
personne, sa
liberté ou sa
propriété. De fait, ses partisans, les
libertariens, sont favorables à une réduction, voire une disparition de l'
État (
Antiétatisme) en tant que système fondé sur la
coercition, au profit d'une
coopération libre et volontaire entre les individus.
(source :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Libertarianisme)
Personnellement, je découvre aujourd'hui ce concept de libertarianisme, qui est en fait un mélange entre les libertaires (ou anarchistes) et les libéraux (ou capitalistes).
l'idéal est louable, et il est d'ailleurs intéressant de constater comment l'anarchisme qui à la base était "à la gauche du communisme", a été lié au libéralisme qui est plus une valeur "de droite".
Mais toutefois utopique (comme tout terme en 'isme' me direz-vous), dans le sens où
1. comme Jean l'indique nous vivons en société, par conséquent la présence d'une autorité législative est nécessaire pour la régulation des rapports interhumains; le caractère coercitif de cette autorité est à débattre, la sempiternelle question du choix entre diriger par la peur ou diriger par l'admiration du peuple
2. En France le rapport à l'autorité est conflictuel, on est tellement fier d'avoir décapité notre roi, et dans un passé plus récent, on constate que la nécessité de lutte des classes est un principe bien ancré dans la conscience sociale. cela implique un rapport de force contraire au principe de non agression prôné par les libertariens.
Je relève aussi que Wu jianmin fait son discours lors de l'université d'été du MEDEF, donc cela révèle aussi une certaine orientation "politique" si j'ose dire.
Dans l'absolu, son discours fait du sens, la distinction entre le rapport au travail des chinois et des français, l'absurdité des 35 heures, etc.
Mais contextuellement, c'est une jolie mascarade qui me fait assez rigoler
- déjà j'entend l'auditoire penser tellement fort "ah, enfin un chinois qui pense comme nous, finalement pour un communiste, il est pas si mal", dans le genre 'j'te caresse dans le sens du poil'...
- ensuite, quand il parle du nombre d'entrepreneurs individuels grandissant en Chine, qui font la fierté du pays, c'est joli, mais il oublie de mentionner la main-mise du parti sur les profits des grandes entreprises, mais nous savons tous qu'en Chine, il est impossible pour quiconque de réussir sans que le parti prenne sa part du gâteau (dites-moi si je me trompe). Si l'état français se mêlait ne serait-ce que dans une mesure un dixième plus faible aux affaires des entreprises privées françaises, c'est pas les cheminots qui feraient la grève, c'est les patrons..
Ces mêmes patrons ont bien entendu un rôle social important, mais pour reprendre l'image du pilote d'avion évoquée plus haut : quelle estime peut-on porter à un pilote qui laisse son avion, son équipage et ses passagers se crasher pendant qu'il retombe confortablement les pieds sur terre grâce à son "parachute doré"?
En revanche l'image du patron de PME comme capitaine d'un bateau est plus appréciable, car un vrai capitaine quitte toujours le navire en dernier (et n'allez pas me ressortir l'histoire du Costa Concordia SVP...)
- Après quand il parle de la valeur du travail... oui, oui, on y croit à fond...; travail=bien! indemnité chômage=pas bien! en terme de finesse d'analyse, j'ai déjà vu plus profond...
Pour approfondir justement, perso, je partage son point de vue, je trouve qu'en France il y a trop de gens démotivés, qui profitent du système, et les 35 heures..., sachant que je me tape parfois des journées de 35 heures, je me demande comment c'est possible de glander au point de faire ça en une semaine... donc oui, il a parfaitement raison de dire ce qu'il dit, autrement il ne le dirait pas, où s'il était placé devant un public différent, il dirait pas forcément la même chose.
le truc c'est que dans mon cas, je suis tout de même assez privilégié, j'exerce une profession libérale dans laquelle la quantité de travail que je fourni est directement liée à la quantité d'argent que je reçois, quand une boite me paye peu je fais du boulot vite fait, quand une boite me paye mieux je m'applique plus. Par ailleurs, le degré d'implication que je met dans mon travail n'est pas seulement lié à la rémunération, mais aussi à l'intérêt psycho-émotionnel qu'il suscite en moi. et cet intérêt est en corrélation directe avec la valeur sociale impliquée dans ce travail, je m'explique : si je dois traduire un manuel d'instruction pour un lecteur MP3 ou un casque Bluetooth, je ne vais pas avoir l'impression d'être utile à la société sachant que de toutes façons personne ou presque ne lit les manuels d'instruction; mais si je dois traduire un discours qui sera lu devant une audience, ou un contrat commercial, alors forcément je suis plus impliqué car j'ai conscience du rôle social impliqué. (justement l'autre jour j'ai traduit un discours dont la thèse principale était une étude comparée de la révolution de Mai 68 et de la Révolution culturelle chinoise, discours vraiment intéressant même si l'argumentation était volontairement floue, pour faire passer un message non explicite)
Au fond, je pense que le travail est pour l'humain, au-delà de la nécessité de répondre à des besoins matériels, une manière d'obtenir de la reconnaissance sociale.
Donc lorsque ce cher M. Wu Jianmin parle de valeur du travail, il ne doit pas penser aux ouvriers de Foxconn ou autres 'chti nouvriers' du même acabit, car pour ceux-là le travail est totalement dénué de reconnaissance et d'utilité sociale, pour un profit matériel dérisoire; c'est un travail qui ne fait pas de sens et dans lequel ceux qui l'exercent se sentent "déshumanisé".
Il a probablement oublié que la France est le pays de l'humanisme, dans lequel les gens cherchent à s'épanouir individuellement, pour que leur individualité donne du sens à la société, tandis que la Chine est communautariste dans le sens ou c'est la société qui donne du sens à l'individualité. donc s'il veut nous donner des leçons d'économie sociale, donnons-lui donc une leçon d'humanisme : l'exercice d'un travail répétitif et dénué de sens est acceptable pour un individu si et seulement si la possibilité matérielle et temporelle lui est donnée de trouver une signification à son existence.
Mais peu importe que l'on regarde du côté pile ou du côté face, à mon avis ce qu'il manque à notre monde c'est justement une signification. une remise sur le même plan de l'intérêt individuel et de l'intérêt commun, et vous savez quoi? à mon avis il suffirait simplement d'avoir une vision moins humano-centrée et plus environnementalo-centrée.
parce que le paradigme de lutte des classes, le conflit entre l'intérêt collectif et l'intérêt individuel n'est à mon sens que l'expression d'un pur narcissisme de l'être humain : l'individu se reflète dans la société et la société se reflète dans l'individu, au point de ne plus savoir où est la réalité.
Où donc trouver une signification à notre existence? en redonnant à l'individu humain et aux sociétés humaines la conscience de leur vraie position médiane dans l'environnement dans lequel ils se situent, comme l'indique la pensée traditionnelle chinoise l'humain joue un rôle de régulation entre le ciel et la terre, mais au lieu de ce rôle de régulation, nous jouons actuellement un rôle de prédation, d'où le malaise de la condition humaine.
Amis de la nuit, bonne nuit!