Dans une cellule spéciale, le plancher est en tatami dont les lanières ont été enlevées, par crainte que les prévenus se pendent avec. La cellule a une caméra et un microphone enregistreur. Le gardien peut vous regarder et vous écouter 24h/24. Chaque soir, quand le bâtiment devient sombre, la cellule du détenu "spécial" reste allumée, mais la lumière est tamisée, pour que continue l'enregistrement. Donc on ne peut pas bien dormir. Il est interdit de se couvrir la tête avec le drap. La tête doit être face caméra, de 21h à 7h du matin. Il faut être dans le futon, pendant dix heures, sans bouger. C'est très difficile. Il fait très froid l'hiver. Si on bouge un peu trop, un gardien viendra vous réprimander. Le garde passe toutes les quinze minutes, et vous regarde. Dans mon cas il était interdit de rencontrer des gens, hormis les avocats. La famille ne pouvait pas envoyer de lettre, ni en recevoir. Je ne pouvais pas lire de journal. Je ne pouvais lire que les livres transmis par l'avocat.
Les vitres sont très opaques. On ne sait pas s'il pleut, neige ou s'il fait beau. On comprend que c'est le soir ou la journée, car on perçoit la lumière du jour. Et on n'entend rien... Comme si on était dans un sous-marin.
Est-il vrai que vous êtes réduit à un numéro ?
Oui. On vous appelle deux fois par jour par votre numéro
Est-il vrai que vous n'avez pas le droit de parler, d'être debout, de vous allonger ?
Vous devez rester assis dans une certaine position sur votre coussin, dans un coin de la cellule, toute la journée.
C'est très douloureux. Il n'y a pas de chaise. Pour quelqu'un comme M. Ghosn, qui a l'habitude de s'asseoir sur une chaise, c'est une torture. Que vous soyez jeune ou vieux, c'est très difficile. Au bout de deux ou trois heures, vous êtes trop engourdi pour marcher. Si vous enfoncez un stylo dans votre jambe, vous ne le sentirez pas. Le corps s'habitue.
Vous n'avez pas le droit de parler. Si vous parlez, vous n'aurez plus le droit de lire de livres. Vous pouvez vous allonger sur le tatami, pas sur le futon, entre 13h30 et 15h, sous une couverture de laine. Après 17h vous pouvez déplier le futon et vous allonger dessus.
Par ailleurs M. Ghosn n'a pas le droit de porter des chaussures ordinaires, la prison estimant que cela faciliterait une fuite. Il porte des sandales. C'est une manière de créer un climat désagréable pour l'accusé.
Où a lieu la promenade ?
Dans mon cas la promenade se déroulait aussi à l'intérieur. Je ne voyais jamais le ciel. De la cellule je suivais une ligne blanche qui menait à une pièce de 15 m2 surplombée d'une grille sur laquelle les gardes marchaient. J'y marchais trente minutes. Cette pièce était elle-même surplombée d'un toit.
Et on croise des détenus en chemin ?
Parfois, mais on ne peut pas leur parler.
Comment est la nourriture ?
Pas mauvaise. On nous sert 30% d'orge, 70% de riz. Mais c'est de la cuisine japonaise : pour les étrangers, on peut leur donner en lieu de riz du pain de mie japonais. Bref ça n'est pas de la baguette !
Est-on attaché pendant les interrogatoires ?
Non. On n'est pas attaché dans le centre, mais on l'est, en laisse comme un chien, et menotté, quand on sort à l'extérieur, pour le tribunal par exemple.