Piper longum / Piper retrofractum
J'ai "découvert" il y a quelques mois que des agriculteurs cambodgiens cultivaient non pas le célébrissime poivre de Kampot (qui, du point de vue botanique, n'est qu'un vulgaire
Piper nigrum), mais aussi du "poivre long" !
J'ai naïvement cru, dans un premier temps, qu'il s'agissait de
Piper longum, mais en approfondissant un peu mes recherches, je me suis aperçu qu'il s'agissait en réalité d'une autre espèce :
Piper retrofractum !
Et ça change tout ! Enfin, au moins du point de vue linguistique chinois...
En chinois,
Piper longum est appelé 荜拔 bi4ba2, on en trouve au Yunnan, au Guangxi, au Guangdong et au Fujian. Il est surtout utilisée en pharmacopée chinoise. J'ai d'ailleurs eu la surprise d'en trouver dans un supermarché près de chez moi à Suzhou.
En revanche,
Piper retrofractum est appelé 假荜拔 jia3bi4ba2. Il a été introduit en Chine à partir d'Asie du Sud-Est, probablement, et n'est cultivé que dans la province du Guangdong.
Quel rapport avec la langue chinoise, vous demanderez-vous peut-être ?
En fait, ce sont les noms chinois qui m'ont un peu interpelé.
La signification des deux sinogrammes 荜 et 拔 ne permet absolument pas d'expliquer pourquoi ces deux
Piper ont été appelés comme ça en chinois. Bon, le seul truc "logique", c'est que 荜 a le radical des végétaux, mais bon , ce sinogramme n'a rien à voir avec le poivre. (
Piper nigrum est appelé en chinois 胡椒, le sinogramme 胡 indiquant une origine étrangère, et 椒 ayant été choisi en raison de la vague ressemblance entre
Piper nigrum et le "poivre du Sichuan" 花椒 ou 川椒.)
Pour compliquer encore les choses, les Taiwanais écrivent
蓽茇, en ajoutant dont la clé du végétal à 拔...
Mais j'ai fini pas trouver l'explication (et c'est là que je veux en venir) : 荜拔 est un emprunt lexical ! Ce mot est la transcription phonétique tronquée du sanskrit "pippali", qui désigne
Piper longum. Et comme
Piper retrofractum ressemble à s'y méprendre à
Piper longum, les Chinois ont qualifié
P. retrofractum de "faux poivre long"....
De nombreux mots sanskrits sont entrés dans la langue chinoise en même temps que le bouddhisme a été importé dans l'empire du milieu, et pas seulement le vocabulaire religieux. Un autre exemple de végétal : le jacquier, dont l'un des noms chinois est 波那沙树 bo1na4sha1shu4, 波那沙 n'étant rien d'autre que la transcription phonétique du sansktir "panasa".