Le maître d'école chinois, pas plus que le médecin,
n'a besoin d'une autorisation du Gouvernement pour
remplir ses fonctions. Il est à la. disposition de celui qui
le paie, que ce soit la municipalité ou de simples par-
ticuliers. Le mien apprend à ses nombreux élèves à
retenir les caractères, à les écrire, et il leur enseigne la
doctrine ou le catéchisme (Ouen-ta-chou, le livre des
demandes et des réponses). Nous devons absolument
compter sur nos maîtres d'école pour l'instruction reli-
gieuse des enfants, dont il nous est impossible de nous
occuper, spécialement pour la première communion,
comme .on le fait en Europe aussi, quand l'enfant est
instruit, on nous le présente, nous l'interrogeons et
nous le faisons communier après une préparation de
peu de durée. Heureux enfants de France, à côté de nos
petits Chinois.
En Chine, on ne fait pas la classe comme en France
en France, quand le maître donne une leçon à apprendre
à ses élèves, il leur recommande d'étudier dans le plus
profond silence; en Chine, où, comme on dit, le monde est renversé, le maître lit à ses élèves quelques carac-
tères, et ceux-ci, livre en main, retournent à leur place
et commencent à étudier leur leçon en nommant les
caractères l'un après l'autre à haute voix. Pour peu
qu'il y ait du monde dans la classe, le vacarme, on le
conçoit, devient effroyable l'élève, tout en criant, se
balance de droite à gauche, puis, quand il a gravé pro-
fondément dans sa mémoire ce qu'il doit retenir, il
vient réciter devant le fauteuil du professeur et en lui
tournant le dos.
Pour l'écriture, le maître trace avec le pinceau, sur
une belle feuille de papier jaune, quelques lettres à
l'encre rouge que l'élève passera après à l'encre noire,
jusqu'à ce qu'il soit assez habile pour former seul les
lettres. On commence aussi par des lettres à traits peu
compliqués pour s'élever graduellement jusqu'aux
caractères plus difficiles à reproduire. On sait que les
lettres s'écrivent de haut en bas- de la page, en com-
mençant par la droite, c'est-à-dire que le commen-
cement et le titre d'un. livre chinois se trouvent à
l'endroit où l'on va chercher, chez nous, la table des
matières, toujours d'après le système du monde ren-
versé » Une belle écriture est fort appréciée des indi-
gènes. Dans les écoles, on fait étudier les fameux quatre
livres classiques et les cinq livres sacrés, qui cpntiennent
tous les devoirs que l'on doit pratiquer envers les dieux,
envers la société et envers soi-même.
Entrez dans une école chinoise, vous y verrez sus-
pendues aux murs ces belles sentences
-- Passez trois jours sans étudier, vos paroles n'auront
plus de saveur.
San jé pou tou chou., yu yen Ou ouy.
-- En étudiant il faut apporter toute son attention, un
seul caractère vaut dix mille livres d'or.
Tou chou sin yong y, y tse tche tsien kin.
-- On étudie les lettres sous un seul professeur
on se sert de ses connaissances devant des milliers
d'hommes. 0
Hio tsay y jen tche hia, yong tsay ouan jen tche
chang.
Tous, grands et petits, sont pénétrés de l'importance
et de la nécessité de l'étude ce qui fait que l'instruction
est fort répandue dans toutes les classes de la société,
et on peut dire que ce pays laisse loin derrière lui plu-
s-eurs contrées de l'Europe sous le rapport intellectuel.
Le maître d'école glose sur les livres classiques et sacrés
il fait l'éducation de ses élèves en même temps qu'il les
instruit aussi le respect que l'on a pour son professeur
est-il égal au respect que l'on est tenu d'avoir pour son
père et sa mère, et on peut voir quelquefois ici, dans
l'intérieur des villes, une chose aussi étrange que mer-
veilleuse quand le mandarin-préfet passe au milieu de
la foule, trônant dans son palanquin, environné de
satellites, entouré de tout l'éclat de la pompe orientale
quand cet homme, devant qui tout tremble, aperçoit
parmi le peuple le vieux, maître qui lui a appris les
lettres, il descend de sa chaise, vient courber le front
et fléchir le genou devant lui. Voilà la leçon d'édu-
cation qui nous est donnée par un peuple païen, réputé
sauvage, perdu aux extrémités de la terre