Les budgets sont en train d'être coupés en France dans ce type de projet ( source perso)Voitures électriques : la douche froide de l’Europe sur le marché des batteries
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Illustration : la gigafactory de batteries du groupe chinois Envision à Douai, prévue pour fin 2024. (Crédits : Envision)
24 octobre 2024
Ce jeudi, le groupe français Eramet a annoncé « suspendre » son projet de construction de deux usines de recyclage de batteries pour véhicules électriques prévues dans le nord de la France, faute de marché suffisant. Et pour cause : la montée en puissance des usines de batterie s'avère bien plus lente que prévu en Europe. Signe que la bataille est perdue face à la Chine ?
Article : La « vallée européenne de la batterie », ce vaste projet de construction d'usines dans le nord de la France, n'a pas encore vu le jour qu'il a déjà du plomb dans l'aile. Preuve en est : au salon international « Batteries Event », le grand raout du secteur qui s'est tenu la semaine dernière à Lyon, l'heure était au désenchantement. « From optimism to realism » [de l'optimisme au réalisme, ndlr], projetait ainsi sur grand écran le consortium franco-allemand Automotive Cells Company (Stellantis, TotalEnergies et Mercedes-Benz), regrettant un risque de « surcapacité de la production de batteries » par rapport à la demande sur le Vieux continent. Bien loin, donc, de l'euphorie de l'édition précédente.
Exception faite, bien sûr, de la Chine, et notamment du mastodonte CATL, leader mondial incontesté avec presque 40% de parts de marché dans les batteries lithium-ion au niveau mondial. « L'un de ses cadres dirigeants, John H. Kwon, a fait la leçon aux Européens. Son message, c'était : ''bon courage, vous avez quinze ans de retard et vous ne rattraperez pas mes 200.000 ingénieurs en R&D'' », résume Ludovic Leroy, ingénieur à IFP Training, l'organe de formation de l'IFP Energies nouvelles. Une rengaine déjà bien connue, mais qui se traduit désormais par des décisions inquiétantes.
Exception faite, bien sûr, de la Chine, et notamment du mastodonte CATL, leader mondial incontesté avec presque 40% de parts de marché dans les batteries lithium-ion au niveau mondial. « L'un de ses cadres dirigeants, John H. Kwon, a fait la leçon aux Européens. Son message, c'était : ''bon courage, vous avez quinze ans de retard et vous ne rattraperez pas mes 200.000 ingénieurs en R&D'' », résume Ludovic Leroy, ingénieur à IFP Training, l'organe de formation de l'IFP Energies nouvelles. Une rengaine déjà bien connue, mais qui se traduit désormais par des décisions inquiétantes.
De suspensions en abandons
En effet, le groupe minier français Eramet a annoncé ce jeudi sa décision de « suspendre » son projet de construction de deux usines de recyclage de batteries pour véhicules électriques, prévues dans le nord de la France à horizon 2025 et 2027. Deux semaines plus tôt, c'était au tour de Stellantis de quitter le navire - en l'occurrence Orano - quasiment un an après avoir annoncé la création de leur coentreprise spécialisée dans la récupération des composants de batteries automobiles lithium-ion à Dunkerque.
Côté production, Automotive Cells Company (ACC) a également annoncé mettre en pause ses investissements dans des projets de gigafactories en Allemagne et en Italie. Et son usine française, déjà en fonctionnement à côté de Lille, multiplie les difficultés, avec d'importants retards et un taux de déchet plus abondant que prévu. Au global, les ambitions des constructeurs automobiles seraient elles aussi « à la baisse », regrette-t-on chez ACC, si bien qu'« une grande partie, si ce n'est tous les projets de gigafactories ont été suspendus ou annulés (Britishvolt, Northvolt, ACC, PowerCo, Svolt, CATL, EVE, Prologium...) », fait valoir le consortium.
Une électrification qui n'arrive pas
Mais alors, pourquoi une telle douche froide ? Malgré l'importance de cette technologie pour la transition énergétique, le marché reste trop peu porteur, expliquent les dirigeants de ces entreprises. De fait, partout en Europe, la mayonnaise peine à prendre : après trois ans de forte progression, les ventes de véhicules électriques ont commencé à baisser depuis la fin 2023. Sur le premier semestre de cette année, elles ont représenté une part de marché de 13,1%, soit près d'un point de moins comparé à la même période l'année dernière (14%), malgré une légère reprise en septembre.
Interrogée ce matin sur franceinfo, la ministre de la Transition écologique et de l'Energie, Agnès Pannier-Runacher, a blâmé l'Allemagne, qui « a fait le choix de réduire drastiquement le soutien à l'électrification ». Il n'empêche : en France aussi, la demande reste en berne, faute de modèles suffisamment abordables. Et le problème ne touche pas que les véhicules :
Or, dans le même temps, la Chine a explosé tous les records, avec une croissance de 35% de la vente de véhicules électriques en 2023, selon le réseau de recherche autour des énergies renouvelables REN21.
Question de chimie
Surtout, le pays a pris une énorme avance sur la fabrication de batteries. Alors qu'en Europe, les entreprises du secteur espèrent en concevoir l'équivalent de 15 à 20 gigawattheure (GWh) par an et par gigafactory, les lignes de production du Chinois CATL sortent déjà près de 100 GWh de batteries chaque année.
Et à ce problème s'en superpose un autre : celui du choix de chimie de la batterie. Alors que les Européens ont, jusqu'alors, tout misé sur la chimie « NNC » (nickel, manganèse et cobalt en plus du lithium), leurs concurrents chinois se focalisent, eux, sur la technologie « LFP » (lithium, fer phosphate). Or, cette deuxième solution, aujourd'hui 20 à 30% moins chère, inonde le marché en raison de son prix attractif. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'ACC a mis en pause ses projets d'usine en Allemagne et en Italie, bien décidé à bifurquer une partie de sa production vers la technologie de batteries LFP.
« Cercle vicieux »
Enfin, ces atermoiements expliquent aussi, par ricochet, les retards sur les sites de recyclage. Car ceux-ci doivent fonctionner sur une logique d'économie circulaire, et ont donc besoin d'usines de production de batteries à proximité. Eramet comptait ainsi, dans un premier temps, travailler à partir des rebuts de fabrication de quatre usines de batteries, prévues elles aussi dans le nord de la France.
La dirigeante a notamment évoqué les « problèmes » de NorthVolt ou d'ACC, et les « nombreux reports de projets sur la chaîne de valeur batteries », comme nous l'écrivions ce matin.
L'œuf ou la poule
Par ailleurs, le bât blesse aussi « en aval », du côté des débouchés, selon Christel Bories. Et pour cause, ce qui sort d'une ligne de recyclage n'est pas une nouvelle batterie « prêt-à-l'emploi », mais des cellules de métaux qui seront récupérées par d'autres usines. « Il n'y a aucun projet de précurseur de cathode européen qui a été confirmé, donc il n'y a pas de client (en Europe) pour les sels métalliques issus du recyclage », a-t-elle indiqué. Et d'ajouter :
Au risque de rater le coche ? Car s'il y a encore un créneau à prendre sur ce marché, c'est celui du recyclage des batteries, où l'avance de la Chine paraît encore rattrapable, a affirmé la semaine dernière à Lyon John H. Kwon. A moins que, une fois encore, l'industrie européenne ne se heurte au paradoxe de l'œuf et de la poule.
Voitures électriques : la douche froide de l’Europe sur le marché des batteries
Ce jeudi, le groupe français Eramet a annoncé « suspendre » son projet de construction de deux usines de recyclage de batteries pour véhicules électriques prévues dans le nord de la France, faute de marché suffisant. Et pour cause : la montée en puissance des usines de batterie s'avère bien plus...www.latribune.fr