Auchan court en Chine, un autre français qui ne perd pas de temps :
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Par Delphine Gourgues
A la dimension du pays, le marché du prêt-à-porter en Chine est grand, très grand… Parmi la collection de marques locales et les quelques grands acteurs internationaux, CACHE-CACHE sort du lot et ne cesse de s’accroitre. Stéphane TORCK, CEO de Beaumanoir Chine nous a fait quelques confidences sur la toile qu’il tisse depuis plusieurs années dans ce secteur de l’habillement en Chine.
Le prêt-à-porter en Chine en plein bouleversement
Lien retiréDans cet immense pays qu’est la Chine, de nombreuses marques se partagent le marché du prêt-à-porter. Les grands groupes internationaux tels que Zara, H&M, Gap, Uniqlo sont certes présents, mais ne représentent à l’échelle du pays qu’une petite part en comparaison des innombrables marques chinoises. Et si ces marques locales ont chacune une part de marché relativement “faible”, certaines ont plus de 5 000 points de vente… “
Les opportunités de développement économique sont à l’image de la taille du pays, c’est-à-dire énormes” nous dit Stéphane TORCK. Et un phénomène bouleverse considérablement le secteur depuis quelque temps : le digital, le e-commerce. Les consommateurs, et notamment ici les femmes de 18-25 ans, changent leur façon d’acheter, consultent internet en amont, attendent une relation différente aux marques.
"La meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de le créer” (Peter Drucker)
Travaillant dans le secteur de la distribution et du prêt-à-porter depuis plusieurs années, Stéphane TORCK débarque en Asie en 1997 avec son épouse et ses quatre enfants, “
pour deux ans initialement”. Après quelques années passées en Indonésie -“
car tous les spécialistes affirmaient alors que l’avenir était en Asie du Sud-est et pas ailleurs”-, il comprend que c’est en Chine que les futures profondes mutations de l’économie mondiale vont s’opérer. Il se lance donc dans une nouvelle aventure et s’installe il y a quinze ans de cela à Shanghai. Et là, c’est la révélation ! En 1999, il commence par explorer le secteur du prêt-à-porter en Chine et faire du
sourcing(recherche et évaluation de fournisseurs). Et début 2009, il rejoint le groupe Beaumanoir qui vient alors de se lancer à la conquête du marché chinois. C’est le début d’une belle histoire…
Beaumanoir, un groupe visionnaire et précurseur en Chine
Le groupe Beaumanoir, fondé en 1981 à Saint-Malo, ouvre son premier magasin CACHE-CACHE en France en 1985. Aujourd’hui, il pèse plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires et s’illustre dans quelques 2 500 points de vente dans le monde, franchisés et affiliés. Il possède six marques de prêt-à-porter, surtout féminines, comme CACHE-CACHE, MORGAN, LA CITY ainsi qu’une marque de jeans mixtes qui monte, BONOBO. En 2005, les actionnaires entreprennent un voyage en Chine et la première boutique CACHE-CACHE y est ouverte en 2006. Aujourd’hui, il y en a près de 1 000, ainsi que quinze magasins BONOBO, deuxième marque lancée sur le marché. CACHE-CACHE en Chine, c’est plus de 2,2 milliards
Lien retiréde RMB de chiffre d’affaires, une présence dans plus de 250 villes, 25 provinces, près de 400 personnes au siège, en tout 5 000 salariés directs et indirects. La croissance est de 30 à 40% par an et les prévisions sont du même ordre pour les cinq prochaines années. Et si 15 millions de pièces sont fabriquées et vendues sur place, 15 autres millions de pièces sont exportées de Chine pour les marques du groupe hors de Chine… Ce n’est pas un hasard si la filiale chinoise pèse pour un peu plus de 20% dans les comptes du groupe Beaumanoir.
Crédit photo : Beaumanoir
La clef du succès de CACHE-CACHE en Chine ? L’adaptation !
Lien retiréContrairement à beaucoup de marques qui se contentent de faire du “copier-coller” de leurs réussites en Occident, chez CACHE-CACHE, tout est conçu pour séduire la jeune femme chinoise, tout est adapté à ses attentes : les collections, les couleurs, les coupes des vêtements, les prix…. La marque travaille même maintenant avec un bureau de style en Corée, car la Corée influence fortement le design, la mode et de nombreux autres domaines en Chine et en Asie.
“Ce que nous avons importé de France ? Notre savoir-faire en termes de gestion : gestion de collections, de marques, des stocks, techniques commerciales, management humain, formation du personnel et fierté d’appartenir au groupe… mais toujours dans le but de répondre aux besoins du consommateur chinois de la rue. Nos partenaires locaux, au nombre de 300 environ, sont primordiaux pour accéder à l’immobilier, gérer les points de vente, entretenir les relations avec les autorités locales. Nous additionnons nos forces pour mieux réussir ensemble.
Nous pensons localement et nous considérons le marché chinois dans sa globalité” . Dès le début, les décisions pour la Chine ont pu être prises sur place, à Shanghai, une démarche indispensable à la conquête du marché.
Crédits photo : BeaumanoirLien retiré
Mais attention, ce serait une erreur de penser que le business en Chine est facile ! La Chine n’est pas un
eldorado, qui compenserait les difficultés économiques que les groupes internationaux subissent en Europe,
"le quotidien des affaires y est complexe, même après quinze ans de pratique !”. Car dans ce secteur aussi, tout va très vite, tout évolue. “
Si nous avons ouvert 300 boutiques en 2014, nous en avons fermées 120 ! Le consommateur bouge, nous devons nous déplacer avec lui”. Avant, les marques se devaient d’être dans les
department stores, maintenant c’est dans les centres commerciaux en plein essor qu’il faut avoir sa boutique, et encore, ces derniers sont déjà malmenés par la forte croissance des achats en e-commerce ! On y revient, le digital, la gestion des
datasconsommateurs sont, en Chine aussi, le nerf de la guerre, déterminant pour l’avenir proche.
Vibration, confiance et transmission
Quand on lui demande ce qui le lie le plus fortement à la Chine, Stéphane Torck répond vibration, mouvement, création.
"Tout va très vite en Chine, on ne le répète pas assez, cela donne une énergie incroyable mais c’est usant aussi !” . Comme beaucoup, il a besoin de partir, de faire une pause, régulièrement, pour se ressourcer.
"On entend aussi souvent qu’en affaires, les Chinois ne sont pas honnêtes, c’est totalement faux ! La loyauté et la reconnaissance de l’effort sont des valeurs fortes dans le métier. Les problèmes rencontrés sont le plus souvent dus à des difficultés de communication…” Une autre valeur est primordiale en Chine selon lui, c’est la confiance. Il faut pouvoir faire confiance pour réussir, mais pour cela, il faut savoir s’entourer des bonnes personnes et bâtir cette confiance dans la continuité.
Le bilan de ces années passées en Chine ?
"Je peux dire en toute humilité qu’après quinze ans, je n’ai toujours pas tout compris de la Chine ! Mais mon apprentissage n’est pas terminé et surtout je reçois beaucoup grâce à la transmission : transmission de notre savoir-faire, de nos valeurs entrepreneuriales, les Chinois sont très demandeurs et cet échange perpétuel est une formidable source d’opportunités économiques et humaines, notamment pour la France !”
Pour conclure, Stéphane Torck évoque avec réalisme l’enjeu majeur de la pollution en Chine. Le sujet est d’actualité et devient incontournable pour les autorités gouvernementales. L’impact de la situation environnementale est aujourd’hui bel et bien réel sur l’économie chinoise et nous laisse sans visibilité et pleins d’incertitudes sur son avenir. Cette Chine, qui peut aller si vite et qui est capable de changements si profonds, va-t-elle rapidement prouver au monde qu’elle en a saisi l’enjeu et trouver (enfin) un nouveau modèle économique salvateur ?
Delphine Gourgues Lien retiré Mercredi 11 mars 2015