Révision de la Constitution: Macron vers la monarchie absolue?
Par Lien retiré — 22 avril 2018 à 17:53
Emmanuel Macron au Parlement Européen à Strasbourg, le 9 avril. Photo Pascal Bastien pour Libération.
Pour conforter la Ve République, l'hyper président Emmanuel Macron renforce ses pouvoirs au détriment d'un Parlement avec moins de députés, mais aussi des citoyens toujours écartés.
Emmanuel Macron avait déjà dit que la France manquait d’un roi. C’était en 2015. Depuis son élection, il s’évertue à renforcer la monarchie républicaine de la Ve République: réunion du Congrès pour un discours présidentiel la veille de la déclaration de politique générale du Premier ministre, recours régulier au faste du château de Versailles pour des événements présidentiels, etc. Même Nicolas Sarkozy n’en faisait pas autant!
La révision constitutionnelle annoncée pousse la logique encore plus loin. Le but d’Emmanuel Macron est de conforter la Ve République. Son Premier ministre Edouard Philippe l’a dit clairement: «La philosophie d’ensemble [du régime] sera bien entendu préservée. Car il ne s’agit ni de revenir à la IVe République, ni de passer à la VIe République.» L’hyper-président sortira renforcé, le Parlement encore abaissé, les citoyens toujours écartés.
Depuis le début du quinquennat, Emmanuel Macron veut contourner le Parlement. La démocratie parlementaire, bien imparfaite dans notre pays, est à ses yeux un encombrement. Le recours aux ordonnances sur le code du travail ou sur la réforme de la SNCF tient les députés et sénateurs à l’écart de l’élaboration de la loi. L’application à marche forcée de la loi sur l’enseignement supérieur avant-même son adoption définitive par le Parlement était un autre coup de force. La réduction du nombre de parlementaires va encore aggraver cela. Le journal Le Monde indique que si le nombre de députés passe de 577 à 404 comme le veut Emmanuel Macron, la France sera le deuxième pays d’Europe avec le moins de députés par habitant. Seule la Russie ferait pire. C’est tout un symbole de voir l’horizon démocratique de la France macronienne dans la Russie poutinienne!
«Arnaque»
Faire croire que moins de députés permettraient de mieux contrôler le gouvernement est une arnaque. Le maintien du mode de scrutin actuel pour 85% de l’Assemblée poussera les députés à labourer des circonscriptions deux fois plus grandes qu’aujourd’hui, perdant soit une proximité avec leurs électeurs, soit beaucoup de temps loin du contrôle du pouvoir. Rien dans cette réforme ne prévoit d’ailleurs que les moyens de contrôle et d’enquête des députés seront renforcés. Et le droit de dissolution du président de la République demeure, comme l’organisation des élections législatives dans la foulée de la présidentielle. L’effet est connu d’avance: godillots un jour, godillots toujours!
Au passage, la réduction du nombre de députés peut même se traduire par un recul significatif des droits du Parlement. Ainsi, il faut aujourd’hui 15 députés pour former un groupe à l’Assemblée nationale donnant droit à la parole et à la création d’une commission d’enquête par an, 58 députés pour déposer une motion de censure et 60 pour saisir le Conseil constitutionnel. Le Premier ministre n’a pas évoqué ces seuils dans son annonce. Les maintenir à ce niveau-là tout en réduisant de 577 à 404 le nombre de députés durcirait considérablement ces procédures essentielles au bon fonctionnement démocratique.
Avec la réforme, le pluralisme politique sera aussi affaibli. Moins de députés élus dans des circonscriptions plus grandes, c’est la garantie d’un étouffement implacable pour la diversité des courants d’opinions, surtout ceux ancrés territorialement. Ainsi en Seine-Saint-Denis où 7 des 12 députés appartiennent aux groupes parlementaires de la France insoumise ou du Parti Communiste ou en Corse où 3 des 4 députés sont nationalistes. Ne pouvant les battre à la loyale dans ces circonscriptions, le pouvoir veut les faire disparaître au gré du redécoupage de la carte des circonscriptions et de la réduction de leur nombre.
La dose de proportionnelle proposée ne changera rien à cette menace. D’abord parce qu’elle est marginale: 15%. C'est-à-dire à peine 61 députés sur 404. Une force politique ne parvenant pas à faire élire de députés au scrutin majoritaire dans les nouvelles méga-circonscriptions devrait ainsi obtenir 24% des voix pour pouvoir obtenir 15 députés uniquement à la proportionnelle. La plupart se contenteront de miettes sans moyens d’agir. Ensuite parce que ces élus à la proportionnelle s’ajouteraient à ceux élus au scrutin majoritaire et ne corrigeraient pas les déséquilibres que celui-ci produit comme le fait le système allemand. Dans la foulée de la présidentielle, le parti du président raflera donc aussi la majorité des sièges à la proportionnelle. Il gagnerait ainsi au grattage et au tirage, un comble !
Il ne faut pas oublier non plus que le Premier ministre a maintenu l’idée «qu’il était nécessaire de limiter les amendements» des parlementaires. Certes, l’idée d’un contingentement est écartée. Mais la volonté de restreindre le débat demeure alors que la Constitution limite déjà drastiquement les conditions de dépôt d’amendements des parlementaires.
«Double peine»
Avec cette réforme, les citoyens resteront écartés du pouvoir. La méthode macronienne les tient à distance. La réforme est sortie du chapeau du gouvernement et d’une discussion de boutiquier avec le président du Sénat, très loin de la participation citoyenne qu’aurait permis une Assemblée constituante comme le propose la France insoumise. Le président de la République se refuse également à convoquer un référendum pour faire adopter sa réforme alors qu’une telle procédure devrait être la norme pour modifier la loi fondamentale. Et aucun droit nouveau n’est annoncé pour les citoyens, évidemment pas le droit de révoquer les élus en cours de mandat comme cela existe pourtant dans différents pays et dans certains Etats des Etats-Unis d’Amérique. Les citoyens auront donc moins d’élus pour les représenter et pas plus de pouvoir pour s’exprimer directement: c’est la double peine!
Ces annonces constitutionnelles au cœur d’un conflit social majeur ressemblent fort à un gadget de communicant pour redorer le blason du Président à peu de frais. Mais même là, c’est raté. Si Monsieur Macron tenait tant à réduire le nombre de parlementaires, il pouvait le faire sans menacer encore plus le pluralisme déjà réduit. Il lui suffisait pour cela de proposer de supprimer le Sénat. Mais évidemment il n’en est rien. Parce que le projet Macron n’est pas de moderniser, mais de rhabiller l’ordre existant pour mieux le conserver. Le dégagisme de 2017 n’a pas fini le travail.
Matthias Tavel est l'auteur de Insoumis, en Europe aussi !, éditions Eric Jamet, avril 2018.
Petite dédicace en souvenir de nos joutes lors de la campagne présidentielle, à ceux qui croient encore aux vertus de notre modèle démocrate et de la 5ème république.
Et dire que Macron a fondé son mouvement avec l'argument de la participation au débat démocratique et l'horizontalité .
Un bon exemple que voici parmi tant d'autres depuis son election:
Les députés LREM opposés à la loi asile et immigration seront-ils exclus ?
Le président du groupe LREM à l'Assemblée Richard Ferrand le 14 mars 2018 à l'Assemblée nationale.
©GERARD JULIEN / AFP
Alors que certains députés du parti présidentiel désapprouvent le projet de loi du ministre de l'Intérieur, le chef de file des députés La République en Marche Richard Ferrand a rappelé ses troupes à l'ordre la semaine dernière, menaçant de "casser des œufs s'il le faut". Le patron du parti Christophe Castaner a estimé de son côté que les contestataires "manqueraient de solidarité" en s'abstenant ou en votant contre.
Coup d'envoi d'une semaine de débats tendus à l'Assemblée nationale sur le projet de loi asile et immigration.
Outre l'opposition qui juge ce texte, présenté ce lundi soir 16 avril, "laxiste" ou "dangereux", le projet de loi du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb est également critiqué au sein même de la majorité.
Le projet de loi prévoit notamment de réduire à six mois les délais d'instruction de la demande d'asile, pour entamer rapidement le travail d'intégration des réfugiés, et à l'inverse de faciliter la reconduite à la frontière pour les déboutés.
HOSTILITÉ PUBLIQUE
Plus d'un millier d'amendements sont au menu jusqu'à vendredi, dont 200 des députés La République en Marche (LREM), un record, souligne l'AFP. Quelques élus de la majorité affichent par ailleurs ouvertement leur hostilité au texte. Vendredi 13 avril, le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, a posté sur Twitter un post expliquant "pourquoi (il) ne pourrai(t) pas voter pour", tout en assurant qu'il ne s'agit pas d'un début de fronde.
Il regrette le rejet d'amendements comme ceux portant sur le maintien à 45 jours pour la durée maximale de rétention, la fin de la rétention des mineurs, l'expérimentation du travail anticipé sur des territoires volontaires ou les réflexions sur l'intérêt de visas humanitaires pour certains déplacés environnementaux.
Il n'est pas le seul à s'opposer publiquement. Le député de la Vienne Jean-Michel Clément (ex-PS) a affirmé la semaine dernière à l'AFP qu'il prévoyait de voter contre ce texte à "la logique répressive".
LES MENACES DE FERRAND
Face à cette vague de protestations, Richard Ferrand, le président du groupe LREM à l'Assemblée, a haussé le ton. "Liberté dans le débat, mais unité dans le vote. Le groupe est aussi une démocratie qui vit par la majorité... Quand on n'a pas réussi à convaincre en réunion de groupe, on n'a pas réussi", a-t-il lancé la semaine dernière lors de la réunion matinale des députés, en appelant les contestataires à se rallier à la position du groupe.
L'ancien élu PS a même menacé d'exclusion ces derniers. "Si certains préfèrent devenir auto-entrepreneurs, c'est le statut de non-inscrit" à un groupe à l'Assemblée, a-t-il déclaré, se disant prêt "à casser des œufs s'il le faut". "Nous réussirons ensemble ou nous échouerons ensemble. Mais nous avancerons tous ensemble, et j'y veillerai personnellement", a conclu le député du Finistère.
CASTANER NE "PRATIQUE PAS LA CHASSE AUX SORCIÈRES
"Les lignes rouges sont fixées par le président du groupe et pas par moi, mais effectivement ils manqueraient de solidarité parce qu'une décision collective emporte le collectif", a de son côté déclaré le délégué général de LREM Christophe Castaner lundi 16 avril sur RTL.
"Et en plus comme il est conforme, ce texte de loi, à la philosophie, aux engagements du président de la République, je pense qu'il ne faut pas négliger sur quelles bases ils ont été élus", a poursuivi le secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement.
À la question de savoir si les députés LREM qui voteraient contre le texte seraient exclus, M. Castaner a rétorqué que "ça, c'est la décision de Richard Ferrand", le président du groupe. "Je ne pratique pas la chasse aux sorcières", a-t-il précisé. "Mais surtout je suis convaincu que celles et ceux qui aujourd'hui ont des doutes rentreront dans le bon sens."
Par Lien retiré — 22 avril 2018 à 17:53
Emmanuel Macron au Parlement Européen à Strasbourg, le 9 avril. Photo Pascal Bastien pour Libération.
Pour conforter la Ve République, l'hyper président Emmanuel Macron renforce ses pouvoirs au détriment d'un Parlement avec moins de députés, mais aussi des citoyens toujours écartés.
Emmanuel Macron avait déjà dit que la France manquait d’un roi. C’était en 2015. Depuis son élection, il s’évertue à renforcer la monarchie républicaine de la Ve République: réunion du Congrès pour un discours présidentiel la veille de la déclaration de politique générale du Premier ministre, recours régulier au faste du château de Versailles pour des événements présidentiels, etc. Même Nicolas Sarkozy n’en faisait pas autant!
La révision constitutionnelle annoncée pousse la logique encore plus loin. Le but d’Emmanuel Macron est de conforter la Ve République. Son Premier ministre Edouard Philippe l’a dit clairement: «La philosophie d’ensemble [du régime] sera bien entendu préservée. Car il ne s’agit ni de revenir à la IVe République, ni de passer à la VIe République.» L’hyper-président sortira renforcé, le Parlement encore abaissé, les citoyens toujours écartés.
Depuis le début du quinquennat, Emmanuel Macron veut contourner le Parlement. La démocratie parlementaire, bien imparfaite dans notre pays, est à ses yeux un encombrement. Le recours aux ordonnances sur le code du travail ou sur la réforme de la SNCF tient les députés et sénateurs à l’écart de l’élaboration de la loi. L’application à marche forcée de la loi sur l’enseignement supérieur avant-même son adoption définitive par le Parlement était un autre coup de force. La réduction du nombre de parlementaires va encore aggraver cela. Le journal Le Monde indique que si le nombre de députés passe de 577 à 404 comme le veut Emmanuel Macron, la France sera le deuxième pays d’Europe avec le moins de députés par habitant. Seule la Russie ferait pire. C’est tout un symbole de voir l’horizon démocratique de la France macronienne dans la Russie poutinienne!
«Arnaque»
Faire croire que moins de députés permettraient de mieux contrôler le gouvernement est une arnaque. Le maintien du mode de scrutin actuel pour 85% de l’Assemblée poussera les députés à labourer des circonscriptions deux fois plus grandes qu’aujourd’hui, perdant soit une proximité avec leurs électeurs, soit beaucoup de temps loin du contrôle du pouvoir. Rien dans cette réforme ne prévoit d’ailleurs que les moyens de contrôle et d’enquête des députés seront renforcés. Et le droit de dissolution du président de la République demeure, comme l’organisation des élections législatives dans la foulée de la présidentielle. L’effet est connu d’avance: godillots un jour, godillots toujours!
Au passage, la réduction du nombre de députés peut même se traduire par un recul significatif des droits du Parlement. Ainsi, il faut aujourd’hui 15 députés pour former un groupe à l’Assemblée nationale donnant droit à la parole et à la création d’une commission d’enquête par an, 58 députés pour déposer une motion de censure et 60 pour saisir le Conseil constitutionnel. Le Premier ministre n’a pas évoqué ces seuils dans son annonce. Les maintenir à ce niveau-là tout en réduisant de 577 à 404 le nombre de députés durcirait considérablement ces procédures essentielles au bon fonctionnement démocratique.
Avec la réforme, le pluralisme politique sera aussi affaibli. Moins de députés élus dans des circonscriptions plus grandes, c’est la garantie d’un étouffement implacable pour la diversité des courants d’opinions, surtout ceux ancrés territorialement. Ainsi en Seine-Saint-Denis où 7 des 12 députés appartiennent aux groupes parlementaires de la France insoumise ou du Parti Communiste ou en Corse où 3 des 4 députés sont nationalistes. Ne pouvant les battre à la loyale dans ces circonscriptions, le pouvoir veut les faire disparaître au gré du redécoupage de la carte des circonscriptions et de la réduction de leur nombre.
La dose de proportionnelle proposée ne changera rien à cette menace. D’abord parce qu’elle est marginale: 15%. C'est-à-dire à peine 61 députés sur 404. Une force politique ne parvenant pas à faire élire de députés au scrutin majoritaire dans les nouvelles méga-circonscriptions devrait ainsi obtenir 24% des voix pour pouvoir obtenir 15 députés uniquement à la proportionnelle. La plupart se contenteront de miettes sans moyens d’agir. Ensuite parce que ces élus à la proportionnelle s’ajouteraient à ceux élus au scrutin majoritaire et ne corrigeraient pas les déséquilibres que celui-ci produit comme le fait le système allemand. Dans la foulée de la présidentielle, le parti du président raflera donc aussi la majorité des sièges à la proportionnelle. Il gagnerait ainsi au grattage et au tirage, un comble !
Il ne faut pas oublier non plus que le Premier ministre a maintenu l’idée «qu’il était nécessaire de limiter les amendements» des parlementaires. Certes, l’idée d’un contingentement est écartée. Mais la volonté de restreindre le débat demeure alors que la Constitution limite déjà drastiquement les conditions de dépôt d’amendements des parlementaires.
«Double peine»
Avec cette réforme, les citoyens resteront écartés du pouvoir. La méthode macronienne les tient à distance. La réforme est sortie du chapeau du gouvernement et d’une discussion de boutiquier avec le président du Sénat, très loin de la participation citoyenne qu’aurait permis une Assemblée constituante comme le propose la France insoumise. Le président de la République se refuse également à convoquer un référendum pour faire adopter sa réforme alors qu’une telle procédure devrait être la norme pour modifier la loi fondamentale. Et aucun droit nouveau n’est annoncé pour les citoyens, évidemment pas le droit de révoquer les élus en cours de mandat comme cela existe pourtant dans différents pays et dans certains Etats des Etats-Unis d’Amérique. Les citoyens auront donc moins d’élus pour les représenter et pas plus de pouvoir pour s’exprimer directement: c’est la double peine!
Ces annonces constitutionnelles au cœur d’un conflit social majeur ressemblent fort à un gadget de communicant pour redorer le blason du Président à peu de frais. Mais même là, c’est raté. Si Monsieur Macron tenait tant à réduire le nombre de parlementaires, il pouvait le faire sans menacer encore plus le pluralisme déjà réduit. Il lui suffisait pour cela de proposer de supprimer le Sénat. Mais évidemment il n’en est rien. Parce que le projet Macron n’est pas de moderniser, mais de rhabiller l’ordre existant pour mieux le conserver. Le dégagisme de 2017 n’a pas fini le travail.
Matthias Tavel est l'auteur de Insoumis, en Europe aussi !, éditions Eric Jamet, avril 2018.
Petite dédicace en souvenir de nos joutes lors de la campagne présidentielle, à ceux qui croient encore aux vertus de notre modèle démocrate et de la 5ème république.
Et dire que Macron a fondé son mouvement avec l'argument de la participation au débat démocratique et l'horizontalité .
Un bon exemple que voici parmi tant d'autres depuis son election:
Les députés LREM opposés à la loi asile et immigration seront-ils exclus ?
Le président du groupe LREM à l'Assemblée Richard Ferrand le 14 mars 2018 à l'Assemblée nationale.
©GERARD JULIEN / AFP
Alors que certains députés du parti présidentiel désapprouvent le projet de loi du ministre de l'Intérieur, le chef de file des députés La République en Marche Richard Ferrand a rappelé ses troupes à l'ordre la semaine dernière, menaçant de "casser des œufs s'il le faut". Le patron du parti Christophe Castaner a estimé de son côté que les contestataires "manqueraient de solidarité" en s'abstenant ou en votant contre.
Coup d'envoi d'une semaine de débats tendus à l'Assemblée nationale sur le projet de loi asile et immigration.
Outre l'opposition qui juge ce texte, présenté ce lundi soir 16 avril, "laxiste" ou "dangereux", le projet de loi du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb est également critiqué au sein même de la majorité.
Le projet de loi prévoit notamment de réduire à six mois les délais d'instruction de la demande d'asile, pour entamer rapidement le travail d'intégration des réfugiés, et à l'inverse de faciliter la reconduite à la frontière pour les déboutés.
HOSTILITÉ PUBLIQUE
Plus d'un millier d'amendements sont au menu jusqu'à vendredi, dont 200 des députés La République en Marche (LREM), un record, souligne l'AFP. Quelques élus de la majorité affichent par ailleurs ouvertement leur hostilité au texte. Vendredi 13 avril, le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, a posté sur Twitter un post expliquant "pourquoi (il) ne pourrai(t) pas voter pour", tout en assurant qu'il ne s'agit pas d'un début de fronde.
Il regrette le rejet d'amendements comme ceux portant sur le maintien à 45 jours pour la durée maximale de rétention, la fin de la rétention des mineurs, l'expérimentation du travail anticipé sur des territoires volontaires ou les réflexions sur l'intérêt de visas humanitaires pour certains déplacés environnementaux.
Il n'est pas le seul à s'opposer publiquement. Le député de la Vienne Jean-Michel Clément (ex-PS) a affirmé la semaine dernière à l'AFP qu'il prévoyait de voter contre ce texte à "la logique répressive".
LES MENACES DE FERRAND
Face à cette vague de protestations, Richard Ferrand, le président du groupe LREM à l'Assemblée, a haussé le ton. "Liberté dans le débat, mais unité dans le vote. Le groupe est aussi une démocratie qui vit par la majorité... Quand on n'a pas réussi à convaincre en réunion de groupe, on n'a pas réussi", a-t-il lancé la semaine dernière lors de la réunion matinale des députés, en appelant les contestataires à se rallier à la position du groupe.
L'ancien élu PS a même menacé d'exclusion ces derniers. "Si certains préfèrent devenir auto-entrepreneurs, c'est le statut de non-inscrit" à un groupe à l'Assemblée, a-t-il déclaré, se disant prêt "à casser des œufs s'il le faut". "Nous réussirons ensemble ou nous échouerons ensemble. Mais nous avancerons tous ensemble, et j'y veillerai personnellement", a conclu le député du Finistère.
CASTANER NE "PRATIQUE PAS LA CHASSE AUX SORCIÈRES
"Les lignes rouges sont fixées par le président du groupe et pas par moi, mais effectivement ils manqueraient de solidarité parce qu'une décision collective emporte le collectif", a de son côté déclaré le délégué général de LREM Christophe Castaner lundi 16 avril sur RTL.
"Et en plus comme il est conforme, ce texte de loi, à la philosophie, aux engagements du président de la République, je pense qu'il ne faut pas négliger sur quelles bases ils ont été élus", a poursuivi le secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement.
À la question de savoir si les députés LREM qui voteraient contre le texte seraient exclus, M. Castaner a rétorqué que "ça, c'est la décision de Richard Ferrand", le président du groupe. "Je ne pratique pas la chasse aux sorcières", a-t-il précisé. "Mais surtout je suis convaincu que celles et ceux qui aujourd'hui ont des doutes rentreront dans le bon sens."