«Nous entrons dans une nouvelle guerre froide qui pourrait marquer notre sortie de l’histoire» par Pierre-Henri d’Argenson haut fonctionnaire et ancien maître de conférences en questions internationales à Sciences Po.
FIGAROVOX/TRIBUNE - La pandémie révèle des évolutions profondes du système international que les Occidentaux ont souvent été tentés d’ignorer, analyse le haut fonctionnaire Pierre-Henri d’Argenson. Seules une politique de puissance et une vision réaliste des enjeux mondiaux permettront selon lui à l’Europe d’éviter la marginalisation stratégique.
Extrait : Il est rare que l’on puisse tirer les enseignements d’une crise lorsque l’on est au milieu de celle-ci. Les grands bouleversements intervenus depuis la fin de la guerre froide n’ont ainsi pas toujours été déchiffrables au moment où ils se sont produits, sans doute parce qu’ils appartenaient à une ère de transition accouchant d’un monde nouveau qui se présente aujourd’hui, avec la crise du coronavirus, sous une lumière crue. La pandémie, en effet, agit comme un révélateur de tendances certes perçues par notre intellect, mais qui n’avaient pas suffisamment frappé notre imagination pour modifier nos représentations du monde. Or désormais le monde est nu, et nous n’avons pas d’autre choix que d’abandonner nos coupables pudeurs pour regarder la vérité géopolitique qu’il nous donne à voir, et les conséquences que nous devrons rapidement en tirer pour y survivre en hommes libres.
Nous ne croirons plus à l’article de la doxa mondialiste qui prétend que tout le monde est chez soi partout.
Examinons les faits. Trois choses absolument frappantes se sont produites durant la crise.
La première, c’est qu’aux premières alertes, chacun est rentré chez soi, dans son pays. Du jour au lendemain, les touristes sont passés du statut d’heureux voyageurs nomades à celui d’étrangers indésirables, parfois objets de comportements hostiles de la part des populations locales. La mondialisation heureuse venait de tomber le masque. Les citoyens du monde se sont évaporés. Le touriste, l’étudiant, l’homme d’affaires sont redevenus, chez les autres, ce qu’ils ont toujours été: des étrangers. Bien sûr, lorsque la crise sera passée, la circulation des biens et des personnes reprendra son cours, mais nous ne croirons plus, en particulier nous les Européens à qui l’on a enjoint de «s’ouvrir» toujours plus, à l’article fondateur de la doxa mondialiste qui prétendait que tout le monde est chez soi partout.
Le deuxième fait frappant est la quasi-absence de solidarité internationale dans la crise. Le virus, pas plus aujourd’hui que dans le passé, n’a été traité comme un ennemi commun de l’humanité. Chaque État a mis en œuvre sa stratégie propre, sans se coordonner avec les autres, sans faire appel aux organisations régionales et sans trêve des ambitions géopolitiques. Lorsque des aides ont été consenties, c’est avec des arrière-pensées si voyantes que leurs bénéfices pour l’amitié entre les peuples en ont été annulés. Cette compartimentation nationale de la lutte contre le virus oblige les élites européennes à admettre ce qu’elles récusent depuis des décennies: la nation reste la brique fondamentale de la société mondiale.
Suite de l'analyse >>>
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Extrait : Il est rare que l’on puisse tirer les enseignements d’une crise lorsque l’on est au milieu de celle-ci. Les grands bouleversements intervenus depuis la fin de la guerre froide n’ont ainsi pas toujours été déchiffrables au moment où ils se sont produits, sans doute parce qu’ils appartenaient à une ère de transition accouchant d’un monde nouveau qui se présente aujourd’hui, avec la crise du coronavirus, sous une lumière crue. La pandémie, en effet, agit comme un révélateur de tendances certes perçues par notre intellect, mais qui n’avaient pas suffisamment frappé notre imagination pour modifier nos représentations du monde. Or désormais le monde est nu, et nous n’avons pas d’autre choix que d’abandonner nos coupables pudeurs pour regarder la vérité géopolitique qu’il nous donne à voir, et les conséquences que nous devrons rapidement en tirer pour y survivre en hommes libres.
Nous ne croirons plus à l’article de la doxa mondialiste qui prétend que tout le monde est chez soi partout.
Examinons les faits. Trois choses absolument frappantes se sont produites durant la crise.
La première, c’est qu’aux premières alertes, chacun est rentré chez soi, dans son pays. Du jour au lendemain, les touristes sont passés du statut d’heureux voyageurs nomades à celui d’étrangers indésirables, parfois objets de comportements hostiles de la part des populations locales. La mondialisation heureuse venait de tomber le masque. Les citoyens du monde se sont évaporés. Le touriste, l’étudiant, l’homme d’affaires sont redevenus, chez les autres, ce qu’ils ont toujours été: des étrangers. Bien sûr, lorsque la crise sera passée, la circulation des biens et des personnes reprendra son cours, mais nous ne croirons plus, en particulier nous les Européens à qui l’on a enjoint de «s’ouvrir» toujours plus, à l’article fondateur de la doxa mondialiste qui prétendait que tout le monde est chez soi partout.
Le deuxième fait frappant est la quasi-absence de solidarité internationale dans la crise. Le virus, pas plus aujourd’hui que dans le passé, n’a été traité comme un ennemi commun de l’humanité. Chaque État a mis en œuvre sa stratégie propre, sans se coordonner avec les autres, sans faire appel aux organisations régionales et sans trêve des ambitions géopolitiques. Lorsque des aides ont été consenties, c’est avec des arrière-pensées si voyantes que leurs bénéfices pour l’amitié entre les peuples en ont été annulés. Cette compartimentation nationale de la lutte contre le virus oblige les élites européennes à admettre ce qu’elles récusent depuis des décennies: la nation reste la brique fondamentale de la société mondiale.
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«Nous entrons dans une nouvelle guerre froide qui pourrait marquer notre sortie de l’histoire»
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