Bonjour
Je re-poste ici un article, poste dans l'autre discussion de Charlie hebdo, qui est un peu long (desolee), mais qui, je trouve, remet un peu les choses en place sur la liberte d'expression. Meme si j'aurai tendance a penser que Dieudonne a le droit a la parole comme beaucoup, j'ai un vrai probleme avec le theme recurrent qu'il s'est choisi et avec le fait que sous couvert d'humour, il est en train de creer un mouvement de raliement sur les pensees anti-semites - la quenelle en est, pour moi, la preuve - donc je comprends tout a fait que des maires interdisent sont spectacle - et en toute franchise, si j'etais a leur place - j'aurai un vrai probleme de conscience sur la conduite a tenir
Lien retiré
« Charlie », Dieudonné… : quelles limites à la liberté d'expression ?
« Pourquoi Dieudonné est-il attaqué alors que Charlie Hebdo
peut faire des “unes” sur la religion » ? La question est revenue, lancinante, durant les dernières heures de notre suivi en direct de la tuerie à
Charlie Hebdo et de
Lien retiré conséquences. Que recouvre la formule
« liberté d'expression », et où s'arrête-t-elle ?
1. La liberté d'expression est encadrée
La liberté d'expression est un principe absolu en
France et en
Europe, consacré par plusieurs textes fondamentaux.
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », énonce l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789.
(...)
C'est la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, qui est le texte de référence sur la liberté d'expression. Son article 1 est très clair :
« L'imprimerie et la librairie sont libres », on peut
imprimer et
éditer ce qu'on veut. Mais là encore, après le principe viennent les exceptions. La première est l'injure (
« X est un connard ») et la diffamation, c'est-à-dire le fait d'
imputer à quelqu'un des actions qu'il n'a pas commises dans le but de lui
faire du tort (
« X a volé dans la caisse de l'entreprise »).
(…)
En résumé, la liberté d'expression ne permet pas d'
appeler publiquement à la mort d'autrui, ni de
faire l'apologie de crimes de guerre, crimes contre l'humanité, ni d'
appeler à la haine contre un groupe ethnique ou national donné. On ne peut pas non plus
user de la liberté d'expression pour
appeler à la haine ou à la violence envers un sexe, une orientation sexuelle ou un handicap.
2. La particularité des réseaux sociaux
Le droit français s'applique aux propos tenus par des Français sur Facebook ou
Twitter. Mais ces
services étant édités par des
entreprises américaines, ils ont le plus souvent été conçus sur le modèle américain de la liberté d'expression, beaucoup plus libéral que le droit français. Aux Etats-Unis, le premier amendement de la Constitution, qui protège la liberté d'expression, est très large. De nombreux propos condamnés en France sont légaux aux Etats-Unis.
(…)
3. Le cas complexe de l'humour
La liberté d'expression ne permet donc pas de
professer le racisme, qui est un délit, de même que l'antisémitisme. (...)
La jurisprudence consacre en effet le droit à l'excès, à l'outrance et à la parodie lorsqu'il s'agit de fins humoristiques.
En 2007,
Charlie Hebdo devait
répondre devant la justice des caricatures de Mahomet qu'il avait publiées dans ses éditions.
A l'issue d'un procès très médiatisé, où des personnalités s'étaient relayées à la barre pour
défendre Charlie Hebdo, le tribunal avait jugé que l'hebdomadaire avait le droit de
publier ces dessins :
« Attendu que le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe à ce
Lien retiré à la liberté d'expression et de communication des pensées et des opinions (…) ; attendu qu'ainsi, en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le
contexte et les circonstances de sa publication dans le journal “
Charlie Hebdo”, apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d'
offenser directement et gratuitement l'ensemble des musulmans ; que les limites admissibles de la liberté d'expression n'ont donc pas été dépassées (…) »
On peut donc
user du registre de la satire et de la caricature, dans certaines limites. Dont l'une est de ne pas s'en
prendre spécifiquement à un groupe donné de manière gratuite et répétitive.
Autre époque, autre
procès : en 2005, Dieudonné fait scandale en apparaissant dans une émission de France 3 grimé en juif ultrareligieux. Il s'était alors lancé dans une diatribe aux relents antisémites. Poursuivi par plusieurs associations, il avait été relaxé en appel, le tribunal estimant qu'il restait dans le registre de l'humour
En résumé, la loi n'interdit pas de se
moquer d'une religion, mais elle interdit en revanche d'
appeler à la haine contre les croyants d'une religion, ou de
faire l'apologie de crimes contre l'humanité – c'est notamment pour cette raison que Dieudonné a régulièrement été condamné, et
Charlie Hebdo beaucoup moins.
4. « Charlie », habitué des procès
Il faut
rappeler que
Charlie Hebdo et son ancêtre
Hara-Kiri ont déjà subi les foudres de la censure. Le 16 novembre 1970, à la suite de la mort du général de Gaulle,
Hara-Kiri Lien retiré : « Bal tragique à Colombey : 1 mort », une double référence à la ville du Général et à un incendie qui avait fait 146 morts dans une discothèque la semaine précédente. Quelques jours plus tard, l'hebdomadaire est interdit par le ministère de l'intérieur, officiellement à l'issue d'une procédure qui durait depuis quelque temps. C'est ainsi que naîtra
Charlie Hebdo, avec la même équipe aux commandes.
L'hebdomadaire satirique était régulièrement devant la justice à la suite à des plaintes quant à ses « unes » ou ses dessins :
environ 50 procès entre 1992 et 2014, soit deux par an environ. Dont certains perdus.
Dieudonné, humour ou militantisme ?
Dans le cas de Dieudonné, la justice a été appelée à plusieurs reprises à
trancher. Et elle n'a pas systématiquement donné tort à l'humoriste. Ainsi a-t-il été condamné à plusieurs reprises pour
« diffamation, injure et provocation à la haine raciale » (novembre 2007, novembre 2012), ou pour
« contestation de crimes contre l'humanité, diffamation raciale, provocation à la haine raciale et injure publique » (février 2014).
(...)
En plaidant pour l'interdiction de ses spectacles fin 2013, le gouvernement Ayrault avait cependant franchi une barrière symbolique, en interdisant a priori une expression publique. Néanmoins, le Conseil d'Etat, saisi après l'annulation d'une décision d'interdiction à
Nantes, lui avait finalement donné raison, considérant que «
la mise en place de forces de police ne [pouvait] suffire à prévenir des atteintes à l'ordre public de la nature de celles, en cause en l'espèce, qui consistent à provoquer à la haine et la discrimination raciales ». «
On se trompe en pensant qu'on va régler la question à partir d'interdictions strictement juridiques », estimait alors la Ligue des droits de l'homme.