Bon, je t'avoue que je ne sais pas si on doit associer ou dissocier la nécessité vitale, la pression sociale et le modèle économique. Ce que je voulais dire, c'est que chaque matin, la priorité de presque tout le monde (après être allé pisser) est d'aller gagner de l'argent. Et qu'il y a une pression, une injonction, de la société à considérer que c'est ça le comportement vertueux.
Comme ça, c'est moins faux ?
Faux ou pas n'est pas la question.
Il y a quand même une différence entre "l'injonction du matin" (qui relève effectivement du modèle économique) et le "but dans la vie". De même que l'existence de boulimiques n'est pas la preuve qu'on devrait tous s'arrêter de manger, l'existence d'individus qui ont l'enrichissement comme doctrine ne prouve en rien qu'un système qui incite les gens à bosser pour gagner leur croute est fondamentalement mauvais.
Alors oui beaucoup diront qu'ils "perdent leur vie à la gagner", pour reprendre une maxime connue, et c'est vrai que la pression de la société française anesthésie l'esprit d'initiative... seulement selon moi ce n'est pas une histoire de capitalisme, juste que les politiques en France - de gauche comme de droite - font tout pour dissuader l'entrepreneuriat et pousser les gens à rester "dans le rang" d'une société où tout est contrôlé par l'État:
A) L'extrême-gauche est totalement marxiste et prend tous les chefs d'entreprises pour des exploiteurs du peuple.
B) L'extrême-droite est dans la pure lignée nationale-socialiste: ils rêvent d'une fermeture des frontières et de l'appropriation des moyens de production par l'État (Marine Le Pen évoque régulièrement la nationalisation des entreprises qui licencient malgré les bénéfices).
C) La gauche modérée ne peut pas ouvertement promouvoir le développement économique comme outil de sortie de crise:
1. Utiliser les entreprises comme intermédiaire social, c'est reconnaître l'échec de l'État en la matière.
2. La France n'a plus de ressources naturelles depuis la fin des colonies, il n'y a donc qu'à l'international, hors du contrôle de l'État, que les entreprises peuvent trouver de la croissance. L'influence marxiste condamne ce modèle car trop risqué.
3. À l'échelle individuelle, l'entrepreneuriat est créateur d'inégalités, ce qui est pour eux inacceptable.
Du coup il ne reste que le choix entre le libéralisme à reculon (ce que Hollande fait en ce moment) et les délires keynésiens des frondeurs du PS. Je dis délires parce que même si l'idée en soi n'est pas stupide, l'État nous a démontré depuis 73 combien il était incapable du moindre discernement en terme d'investissement. À part continuer à nous endetter encore plus, on ne peut donc rien attendre de ceux qui seraient aux commandes d'une énième "relance par la consommation".
D) La droite modérée pourrait assumer un projet libéral, mais elle ne le fait pas pour trois raisons:
1. Il est plus simple et plus sûr de parier sur un 2002 bis et un duel UMP vs. FN au 2e tour en 2017. Ne pas avoir trop ouvertement affiché des couleurs libérales assurera que les sympathisants de gauche, même roses foncé, votent du bon côté.
2. L'âge moyen de son électorat crève le plafond. Or nos retraités issus du baby-boom veulent avant tout préserver les revenus du capital (dont ils détiennent la plus grande partie) aux dépends de ceux de la "vraie" économie.
3. Elle manque de toute façon du bagage intellectuel nécessaire pour démontrer que le libéralisme - quand il est exécuté correctement - est porteur de progrès social et créateur d'égalité. Pour articuler cela il faudrait des intellectuels libéraux de droite, mais on n'a que des bonapartistes en magasin et pas un seul libéral depuis Raymond Aron (et Tocqueville avant lui).
C'est sur ce constat que je suis parti de France en 2008, puis que j'ai créé Mars2012 afin d'aider ceux qui souhaiteraient eux aussi innover dans un pays où leur envie d'entreprendre n'est pas perçue comme une activité anti-sociale.